Paris est grande. Paris est grise. Paris se présente sous de multiples identités : Elle est Lachaise, elle est l’Etoile. Elle est Victor Hugo, elle est Montaigne, elle est Gide (quelle imposture ! Ils sont tous morts ! Mais ça, apparemment, Paris s’en fout). Paris revient de Rivoli et jardine à Luxembourg. En réalité, Paris ne s’assume pas. Elle englouti les gens, les fait déambuler partout à la recherche de ses trésors : une tour, une chapelle, un musée, une place; elle se dévoile par des guides, des photos, par des stations, par un cour d’eau. Mais jamais Paris ne viendra nous serrer dans ses bras.
Elle réfléchi à tout cela pendant que la voiture traverse la ville. Ses parents lui parlent de Paris, lui racontent le nom des rues, des cimetières, des bâtiments. Elle a posé devant une tour en fer qui est moche mais qui est connue, paraît-il.
Ensuite, elle a été déposée dans une ludothèque, à droite d’une place assez grande ou il y a du monde. Beaucoup de monde.
Heureusement, dans la ludothèque, il y a des poufs pour s’asseoir. Il y a de la couleur aussi.
Elle a été déposée là par ses parents car ils sont partis visiter un musée. Un musée avec des tuyaux qui sortent des murs. Ils sont jolis les tuyaux. Et colorés. Il y en a un qui ressemble à un grand tobogan. Peut-être que cela permet aux visiteurs de sortir du musée en atterrissant dans du sable ? C’est peut-être une attraction pour grands. Ce serait rigolo. Elle décide alors de quitter la ludothèque et de partir à la recherche du grand bac à sable où atterrissent les parents. Comme ça, ils gagneront du temps et ils pourront vite rentrer à la maison.
Sur la place, il y a du monde. Beaucoup de monde. Des grands, des petits, des jupes, des pieds, des pantalons, des manteaux, des bras, des têtes, des sourires, des sacs à main. Ça grouille de tas de petits bouts de corps. Ça bouge beaucoup en vérité.
Elle porte une jupe-culotte bleu marine, ce qui est pratique pour courir. Elle porte également des mocassins avec une petite boucle dorée, ce qui est plus délicat. Elle aurait préféré ses basquets blanches à scratch, mais quand on va à Paris, on s’habille, lui avait dit sa maman. Elle regarde encore la façade de cette drôle d’attraction et ne comprend pas pourquoi ses parents ne l’ont pas emmenée avec eux. Ça aurait été bien de pouvoir glisser, rebondir, glisser….
Il y a du monde. Beaucoup de monde. Il y a des gens qui crient des mots avec un accent qui n’est pas le sien, d’autres qui vendent des marrons.
Elle continue d’avancer sur la place. Ou de reculer. Ou de tourner à droite, à moins que ça ne soit à gauche. Mais la ludothèque a disparu. Elle est partie. Par là ? Ah non, par là. Le tuyau bleu était sur le côté, le tobogan était devant ou derrière la place ?
Il y a du monde. Beaucoup de monde. Les mots que les gens crient lui font mal aux oreilles. Et les marrons n’ont rien à faire en ville.
Elle continue d’avancer sur la place et c’est à cet instant que les larmes entrent en scène. Elle fait demi-tour, se cogne à des jambes ou à des hanches, elle ne sait plus. Elle voudrait retrouver la ludothèque. Elle voudrait s’envoler. Elle déteste les tuyaux. Elle déteste les gens. Elle déteste les jupes-culottes et les mocassins. Elle voudrait que tout disparaisse. Elle pleure et crie tout bas.
Il y a du monde, beaucoup trop de monde.
Il n’y pas de bac à sable. Il n’y a pas de tobogan. Il n’y a plus de parents.
Il n’y a qu’une ville dont elle ne voulait pas.
Non, décidément, Paris est grande, Paris est grise, mais surtout : Paris ne rit pas.