Un cahier d’écolier et une histoire abracadabrante d’organes volés. Des gens emprisonnés à qui on prendra un bras, un coeur, un rein ou un morceau du foi. L’écriture de mon journal intime se confond avec cette première tentative pour faire roman. J’ai écris au crayon à papier. Les cahiers sont dans une malle aujourd’hui et j’imagine qu’il est impossible de lire maintenant ce que j’ai pu écrire dans ces cahiers. Tous les mots sont effacés. C’est encore la question de la voix. Une voix inaudible non articulée. Des balbutiements. L’écriture n’a pas encore surgit. Je m’en souviendrais non? L’écriture n’a pas surgi parce que je distingue écrire pour soi et écrire pour autrui comme dans la gestation pour autrui. Écrire pour soi n’est pas écrire. Je ne sais faire que ça, écrire pour moi, parce que je cherche ma voix. Je ne suis pas encore capable d’écrire pour autrui et même de prendre de la distance et faire l’expérience du hors soi. Impossible de me décoller de qui je suis. Qui je suis a tellement faim de se dire pour être quelque chose plutôt que rien, plutôt que des traces de crayon à papier bientôt effacées.
Ce petit texte résonne beaucoup en moi. Je n’écris que pour être lu : je n’ai pas connu ni cherché à connaître cette phase d’écriture pour soi, d’écriture au crayon à papier, crayon de bois, pour dire ou taire un feu intérieur. Je n’écris que pour être lu. Et c’est un échec, tout simplement.
Peut-être aussi pour devenir lisible pour vous -même à travers le regard des lectures extérieures ?
Oui. Devenir plus lisible aussi pour moi même si je prends le soin de me traiter comme un autre, je veux dire avec le soin, et l’attention, et les égards que j’aurais pour un autre et que je ne sais pas avoir pour moi même.
Pourquoi est ce que c’est un échec?
Échec : depuis toutes ses années, je n’ai pas rencontré mon lectorat, comme l’on dit.
Ces années*
« L’écriture n’a pas surgi parce que je distingue écrire pour soi et écrire pour autrui comme dans la gestation pour autrui. Écrire pour soi n’est pas écrire. »
Cette métaphore de la G.P.A est vraiment surprenante.Cela supposerait un manque d’organe ou de fonction procréatrice chez le lecteur ou lectrice potentiel.le.s ?
Une écriture philantropique ? Mais impossible pour l’instant ?
J’aimerais vous entendre développper cette idée. Merci d’avance.
L’idée a surgi et j’en ignore encore les développements. Je n’avais pas pensé à l’écriture philanthropique, mais c’est ça. Enfanter des histoires pour les autres. Non qu’ils manquent d’organes pour le faire. C’est plutôt une question de distance. La bonne distance, la clarté, la lisibilité j’ai le sentiment qu’on la trouve plus facilement quand c’est pour l’autre que quand c’est pour soi. Après c’est peut-être tout bêtement la paresse ou la procrastination de dire j’écris pour moi et donc je me dispense de lisibilité. Bref écrire pour moi comme j’écrirais pour un autre. Je pense que c’est là que je veux rendre.
et bien, je crois qu’il faut écrire pour soi, même quand c’est destiné aux autres, je peux me tromper bien sûr. C’est un drôle de soi assez vaporeux d’ailleurs auquel on s’adresse, pour lequel un autre soi tout aussi vague écrit. Enfin, tout ça est assez emberlificoté, pardon, l’essentiel est d’écrire
Je suis en questionnement. Je pense que j’ai posé le pour soi et pour autrui probablement parce que j’imagine que j’écrirais différemment en fonction du destinataire. Un traitement moins soigneux, moins attentif si c’est pour moi, moins soucieux de l’autre et de sa compréhension. Je crois qu’il y a de ça. Je tâtonne. Je ne sais pas. Merci du commentaire il me permet d’aller plus loin dans mon rapport à l’écriture. Ceci dit l’essentiel est d’écrire. C’est ma résolution.
J’entends dans ton texte les mêmes balbutiements que les miens . Je partage ta résolution d’écrire et le plaisir éprouvé à te lire. Merci Gilda.
Merci Elodie
dites moi que non e qu’écrire pour soi est écrire
Oui écrire pour soi c’est écrire. Prendre le soin de se rendre aussi lisible à soi même qu’on le ferait pour un autre, je pense que c’est ce que ces échanges m’ont permis de comprendre.
je pense ça moi aussi, que la voix s’élève à mesure des années et du temps qu’on passe à écrire… lentement une voix et une musique s’élèvent, un rythme, une façon, une vérité…
je vous suis, chère Gilda
C’est aussi ce que je pense. On cherche notre voix, On creuse notre nécessité d’écrire (car elle est incontestable). Et ça prend parfois du temps.
» Écrire pour soi n’est pas écrire. Je ne sais faire que ça, écrire pour moi, parce que je cherche ma voix. Je ne suis pas encore capable d’écrire pour autrui et même de prendre de la distance et faire l’expérience du hors soi. Impossible de me décoller de qui je suis. Qui je suis a tellement faim de se dire pour être quelque chose plutôt que rien, plutôt que des traces de crayon à papier bientôt effacées. »
C’est ça…merci de l’avoir formulé aussi bien Gilda….
Après avoir lu les autres commentaires : pour préciser, je pense aussi que « écrire pour soi » c’est déjà « écrire ». C’est une nécessité, un plaisir, le geste / lieu / temps où l’on se cherche, où l’on tâtonne. Dans ton texte, je lis dans le « écrire pour autrui » le geste de publier, d’offrir son texte au regard de l’autre. Et ça c’est une autre affaire…
Absolument. Une toute autre affaire. C’est ce que je voulais dire. Merci Émilie