les lieux ne ressemblaient pas au plan qu’on lui avait communiqué. Il avait passé du temps à imaginer meubler les carrés et les rectangles, vérifier les orientations avant de décider de l’usage futur des pièces. Mais à présent il se trouvait dans des volumes baignés de lumière un peu éteinte à cause des murs sombres et des plafonds hauts. Il poussait une porte après l’autre en écoutant son pas résonner sur les lattes anciennes. Avant tout, ce qui frappait c’était la réverbération du moindre bruit qui arrivait avec quelques secondes de décalage. Surgissaient des échos comme si le sol annonçait l’arrivée d’un étranger ou d’un visiteur, les murs enregistraient la nouvelle et y répondaient. On était tenté de retenir son souffle pour ne pas déranger. Puis venait une odeur particulière faite de molécules agglomérées depuis le départ des derniers occupants, des parfums évaporés à regret, des coulis humides qui glissaient sous les portes et tentaient de s’échapper. Il traversait des atmosphères peuplées de fantômes, une éraflure sur la peinture d’un montant, un coin de carrelage ébréché, un cadre plus clair sur la surface du mur. Les lieux se déchiffraient sans livrer leur secret. Il était entré en conquérant. Quelques minutes après, déjà, ses pas se faisaient plus discrets, comme s’il subissait un examen dont il ignorait le résultat. L’escalier enroulait sa spirale vers les étages mais il décida de remettre à plus tard le reste de sa visite. Il se dirigea vers le balcon, ouvrit grand la porte- fenêtre et, fermant les yeux, aspira une grande bouffée d’air. Les bruits de la rue montaient vers lui, des odeurs mêlées de tilleul et de pollution. Un pigeon roucoulait sur une mansarde voisine. Il mêlerait ses jours à ce nouvel environnement, il sentait que les lieux lui dicteraient son avenir. Il se retourna, s’appuya sur le garde-fou en fer forgé et plongea le regard dans la vaste pièce qui lui faisait face.
Unité de personnage / unité de lieu qui se créent réciproquement. Ça ne veut pas dire grand chose mais c’est ce que je sens à cette lecture.
croire investir un espace libre/disponible et se retrouver plongé dans un organisme (certes flottant, ambiant) — belle (et prometteuse) évocation