Il n’a pas de bureau, pas de chambre à lui. Il écrit là où il peut se réfugier. Il n’a plus de bureau depuis le déménagement. Il invente des mondes en bibliothèque, il pense la nuit à ce qu’il écrira au matin. Malheureusement au réveil, toutes ses belles phrases ont disparu. Elles se sont dissoutes dans ses rêves. Pourtant son petit carnet ne le quitte jamais. Autrefois, il dictait des phrases et des idées à son téléphone lorsqu’il promenait le chien. Il n’a plus de chien. Le chien aussi est parti.
Il n’a plus de lieu à lui. Pour écrire, il lui faut du silence, il a besoin de se connecter à quelque chose qu’il ne connaît pas, un morceau de l’univers peut-être. Il n’en sait rien, il veut juste retrouver cet état de paix et de tourments mêlés qui le rendent vivant.
Il a établi un planning, le lundi la bibliothèque Sainte Geneviève, ouverte jusque tard, c’est parfait. Le mardi et le vendredi une médiathèque avec une salle de travail assez calme en dehors des périodes de révision pendant lesquelles les salles de travail sont envahis par les lycéens, le mercredi et le jeudi, la Bibliothèque François Mitterrand où il fait des recherches documentaires intéressantes. Il a essayé la Bpi du centre Beaubourg, mais il s’y est trop à l’étroit. La place ce n’est forcément quelque chose de physique, le plafond peut faire 4 mètres de haut, s’il ne peut pas atteindre ce morceau d’univers en dedans, il ne peut pas écrire. Il lui faut un endroit où il n’y a plus de repère temporel, où la lumière du jour n’entre pas ou peu. Il cherche tous les jours un terrier au milieu du monde afin d’atteindre ses pensées, de laisser libre cours à ce qui remonte. C’est lorsqu’il s’absente ainsi à l’intérieur qu’il se sent entièrement en vie.