J’ai décidé d’arrêter d’écrire alors que je n’avais jamais cessé de commencer. Alors que je n’étais jamais allée jusqu’au bout, j’ai décidé d’arrêter l’écriture. Stopper le mouvement. Laisser l’écrit en suspens. J’ai décidé d’arrêter d’écrire pour voir ce que le mouvement d’écriture laissé en suspension pouvait apporter de lui-même. J’ai rendu à mon travail d’écriture sa liberté ; j’ai abandonné les mots à eux-mêmes ; j’ai fait comme si les phrases n’existaient plus. J’ai essayé de laisser mon esprit vagabonder, sans prendre de notes, sans organiser les idées, sans me saisir des intuitions fulgurantes, sans même penser au projet d’arrêter d’écrire. J’ai organisé mon indifférence, j’ai fait comme si ça n’avait plus d’importance. Il a fallu que je m’isole dans un lieu sans papier, sans stylo, sans ordinateur, sans téléphone. Il a fallu que j’accepte l’idée pure, l’idée simple, d’un récit qui pourrait mener son existence sans moi. J’ai décidé d’arrêter d’écrire pour voir si l’écriture pouvait se passer de moi. Tester son attachement. La laisser revenir d’elle-même. Vérifier mes chaînes.
4 commentaires à propos de “Arrêter d’écrire”
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Ca me parle tellement! et c’est drôle, ça frole des instructions de méditation zen. Ne même pas vouloir le non vouloir, tout ça…
On est en plein koan…
Je ne connais pas le koan, je suis allée voir la définition ; ça me parle bien, merci pour la référence !
L’un des meilleurs moments de l’écriture, à mon sens, est lorsque tout s’échappe. L’histoire, les personnages, l’écrit. Que la vie gagne sans plus d’intervention de l’écrivain. Il n’y a plus de geste d’écriture, il y a la vie qui passe. Il y a, comme tu le dis, le récit qui mène son existence propre. C’est ce que je lis dans tes lignes et c’est un moment merveilleux.
Merci Jean-Luc, c’est toujours agréable de prendre consience de ces échos d’expérience avec les autres.