Vers un écrire/film #03 | Guignol fait la guerre

La guerre photographiée, n° du 29 avril 1915 –
https://recherches.archives-lyon.fr/page/guignol-dans-la-guerre

La rue descend vers le RER. Avant le RER, il y a la boîte à livres. Et dans la rue, il y a les chats qui ne lisent pas. Ici, il y a l’escalator. De l’autre côté du pont, il y a le trou profond de dizaines de mètres. Lentement, le trou se remplit de sols et d’entresols, autant de strates que séparent de grands espaces vides, traversés de circulation. C’est la future gare du déjà grand Paris. Il est profond le grand Paris. Dans la rue, les chats ronronnent, mais ne spéculent pas.

Le pied marche, monte et glisse. La jambe s’arrête dans un train qui bouge. Elle repart quand le train s’arrête. Elle s’immobilise et l’escalator se met à rouler. Elle se contracte pour escalader les marches. Les murs sont carrelés de blanc et le sol est carrelé de noir. En l’air, sur les côtés, sont des panneaux couverts de messages écrits et de visages heureux. Ils parlent d’un monde où l’on peut faire ses courses sans jamais se déplacer.

Les volets sont fermés. Le sol est couvert de poussière. Sur les murs dénudés courent les saignées. La profondeur et la longueur de la saignée sont réglementées. La brique apparaît derrière l’enduit. L’entaille est rouge à ses rebords.

Le cimetière est en haut de la colline à 128,508 mètres d’altitude et plus haut encore, il y a deux grands châteaux d’eau. Les allées courent en pente jusqu’au mur. A l’entrée on lit : « Les guignols sont des philosophes, / les plus terribles catastrophes / n’ont jamais éteint leur gaîté. / Ils restent dans cette atmosphère / lorsque nous les quittons pour faire / le grand saut dans l’éternité ». Les allées courent en pente. Au détour d’une allée, les restes de cinquante otages fusillés. A l’entrée on lit « L’assistance paternelle des fleurs et plumes à son bienfaiteur Jules Caillaux ». Le cimetière est en haut de la colline. Une femme assise lit un roman et lève la tête en souriant. En 1914, le théâtre Guignol parisien des Buttes Chaumont est rebaptisé « Guignol de la Guerre ». L’air est chaud et transparent. Une autre déambule entre les tombes telle un arlequin de carnaval.

A propos de Marion T.

Après tout : et pourquoi pas ?

4 commentaires à propos de “Vers un écrire/film #03 | Guignol fait la guerre”

    • Merci de ton passage et si tu passes par Paris un jour ensoleillé, monte au petit Cimetière de Belleville 🙂

    • Il faut. C’est calme et suspendu. Et il y a ce café simple et hors du temps au métro Télégraphe pour faire mine de lire tout en regardant passer les gens.