Sur les trottoirs coriaces aux caniveaux opaques elle marche derrière lui sans un mot quand il aperçoit leur reflet décalé dans une vitrine se dit qu’il devrait ralentir se régler sur son pas mais non il préfère regarder la silhouette tressauter comme dans le couloir du Paris-Brest à 15 ans assis à la place 52A le nez dans le rideau orange poisseux tiré par le passager du 50A qui ménage un aperçu à grande vitesse de plaines et murs obliques et il pense à l’océan à la chambre d’hôtel pas chère forcément minuscule mais au moins ce ne sera pas un reflet cette fois c’est à ça qu’il pense lorsque surgit une dame haletante qui s’écroule sur le 52B se penche pas gênée vers son trou dans le rideau et lui raconte sa vie mais il reste sourd sourd et non pas muet comme dans la rue opaque où l’image du corps palpitant qu’il a serré au dancing lui dit je m’appelle Barbara sourd donc à la dame du 52B dont la voix lui rappelle la maîtresse de CE2 la déménageuse de rêve la délogeuse de bonnes places près des radiateurs-fenêtres tout ça parce qu’il avait vu dans la cour ce qu’il n’aurait pas du voir c’est ça le problème des fenêtres on regarde pour s’échapper et parfois on est rattrapé et est-ce que ça existe les fenêtres sur le vide drôle d’idée même si les fenêtres font toujours un peu le vide se dit-il alors qu’il agrandit le trou dans le jute rugueux sans savoir que plus tard dans la rue il finira par dire je suis Ariel et dans les yeux de Barbara il verra la mer comme à l’Hôtel des Embruns à travers les volutes de fer forgé qui découpaient le bleu et le bleu ça lui suffit comme lui suffisait le bleu de sa chambre d’enfant même quand il se perchait sur le petit square pour vérifier si la 2 CV de papa était revenue une dodoche verte et pas bleue une dodoche verte se pincer pour y croire une dodoche aux vitres rondes découpées comme un pan de bustier drôle de comparaison puis papa est parti pour une histoire de bustier justement et tous ces bustes c’est fatiguant comme les mannequins dans les vitrines d’ailleurs rien ne vaut la mer où il s’est enfui avec des sous piqués dans le porte-monnaie de maman et où il est retourné à 17 ans après avoir retrouvé papa trop tard avec rien d’autre à raconter que la vue de la fenêtre d’hôpital et il se dit qu’il y a toujours quelqu’un qui part de l’autre côté des fenêtres quelqu’un qui part et ne revient pas mais Barbara peut-être
Envoûtée par votre histoire ! Ces personnages de train affublés de numéros qui percutent une histoire en cours, comme secondés dans le fil du texte à la toute fin par ces mannequins dans les vitrines, pour revenir encore à Barbara, c’est superbe, et la comparaison de la « vitre ronde comme un pan de bustier » est tellement étonnante et pertinente à la fois qu’elle est tout sauf un prétexte à la suite… j’ai adoré ce texte et j’ai envie de lire la suite !
Marlen Sauvage, votre commentaire me cause un très grand plaisir. me donne du souffle pour continuer et pointe des fenêtres 😉 à explorer.
Merci mille fois