Et qu’est ce qu’il sait au fond ? Trois fois rien, il ne sait rien du tout, c’est juste un môme, on va dire qu’il sait lire et écrire au sens de déchiffrer et tracer des lettres, compter un peu, autrement dit il ne sait rien, et c’est magnifique. Un jour, bientôt, trop tôt, il saura ce qu’est vivre et pas un terrain de jeu, il saura les amours perdues et les amitiés gâchées, les poèmes oubliés, et les mots ressassés, il saura la mort par celle de ses vieux et que c’est tout autre chose que la mort imaginée, il saura peut-être un jour ce qu’est aimer ou être aimé et pas par sa maman ou son papa, il saura se rendre à son travail et fermer son clapet pour assurer ses fins de mois, il saura que l’éternité ne dure pas plus que le plaisir et renoncer à ses rêves parce que la vie c’est comme ça. Et tout bientôt, il saura que la piste autour des terrains de hand fait 400 mètres, il apprendra à partir au coup de sifflet et faire la différence entre piquer un cent mètres et la course de fond, il saura rebondir après un saut sur un gros matelas puant et se prendre pour un champion, il saura les règles du basket et lancer un poids, il saura que ses parents ne sont pas si formidables, les filles pas si terribles et il saura battre du cœur pour l’une d’elles, il saura se diriger dans un dédale de couloirs pendant les inter-cours et où est la salle 203, il saura sauter par-dessus le cheval d’arçon avec des jambes en ailes d’oiseau, et choisir un bon morceau dans le plat à la cantine, il saura jouer avec trois mots d’anglais fraichement acquis I’m going to the blackboard, il saura rosa rosam et les pharaons d’Egypte, il les saura mais pas longtemps, un savoir chassant l’autre, il saura ça aussi, un savoir chasse l’autre, il le saura sans que personne ne lui apprenne.
Des idées qui me viennent là comme ça, à la lecture de ce texte (ça vaut ce que ça vaut…), pour le faire partir en vrille. Quitte à être hors du coup, pourquoi pas partir franchement au large ? : peut-être quelque chose d’incongru à glisser dans cette liste, qqch d’unique, d’étrange qui ouvrirait vers un nouvel espace dans la vie de cet enfant qui ne sait pas : une ombre qui rôde ? une obsession des zeppelins ? Ou alors classiquement, un ou deux paradoxes, ou une drôle de confusion ? il ne sait pas qu’il est vieux, le petit garçon ne sait pas encore qu’il est une femme. Ou alors, d’un coup, des odeurs, des couleurs, le toucher ? Ou se sentir d’un coup comme dans la provoc après chaque évocation si on est de mauvais poil ? il ne sait pas détester, il ne sait pas cogner et il ne sait pas qu’il aime cogner ? Ou alors si on est de bonne humeur, une envolée gourmande ? Il ne sait pas à quel point le baba au rhum peut le faire chavirer ?
Quelle imagination! En voilà des pistes, J’aime beaucoup « il ne sait pas cogner et il ne sait pas qu’il aime cogner! A suivre