#anthologie #08 | morceau d’histoire de porte

La porte est là. Au fond du couloir, comme tous les matins et tous les soirs. En quelques pas on peut l’atteindre. Mais elle ne s’ouvre pas.  On pense d’abord que quelque chose s’est bloqué. Que quelque chose a cassé. On pense forcement à ces outils qu’on n’a pas. On ne les a pas puisqu’on les a prêtés et que comme toujours, on a remis à demain le fait de les réclamer. On est un peu sidéré au début. Puis on se dit qu’on va téléphoner. Tant pis pour la facture du serrurier. On met un temps infini à trouver le portable, puisqu’on ne le pose jamais au même endroit. Le téléphone aussi a une bizarrerie. Il ne marche pas. Comme quand il n’y a pas de réseau, parfois dans les tunnels. Mais là c’est chez soi, et ça ne s’arrête pas à la fin, quand la lumière revient. On commence à s’interroger. Puis on se dit tant pis, il faudra passer par la fenêtre. La petite maison n’a que deux étages.  Et de la fenêtre de l’appartement, on jauge qu’on pourrait, en passant par la glissière, et en s’aidant un peu du pommier, atterrir sans trop de frais dans le jardin des voisins. Cette idée fait du bien. D’abord parce qu’elle annonce que l’on va sortir, mais aussi parce que c’est un peu jouer à l’aventurier que de passer par la glissière. Retomber en enfance. Avoir quinze ans de nouveau et escalader des murs pour rejoindre des filles différentes, dans des maisons, des lits différents. Sauf que là aussi. La fenêtre ne s’ouvre pas. La petite poignée coulisse. Tourne. Glisse. Mais rien. On a beau secouer le cadre en bois, ça ne bouge pas. On ne pense pas tout de suite à casser le verre. On n’a pas le temps de penser à casser le verre, parce que d’un coup on a entendu du bruit. Du bruit dans la salle de bain. Cette pièce détestée parce que tous les jours en allant pisser, elle rappelle qu’il faut colmater le joint du lavabo. Refaire les carreaux, les trois, là en haut. De cette pièce résonne un bruit. Pas un bruit de robinet mal fermé. Pas les grincements habituels des maisons. Un bruit de quelqu’un, en train de se mouvoir dans espace étroit.

A propos de Line

De métier éducatrice auprès d'adolescents en difficulté. Depuis un an animatrice en atelier d'écriture ( DU animateur en atelier d'écriture Université AIx-Marseille 2019-2020) et porosité entre ces deux espaces là qui se mélangent quelque fois, parfois plus que je ne le crois.

4 commentaires à propos de “#anthologie #08 | morceau d’histoire de porte”

  1. L’utilisation du « on » renforce bizarrement une sensation diffuse, je trouve. Ça ajoute de l’impersonnel, ça joue de l’étrangeté. J’aime le goût que ça laisse dans la bouche. Merci Line.

  2. (il suffirait de se réveiller – on serait un peu surpris, mais la porte, là, jouerait certainement) (enfin, on l’espère)

  3. Quand ça s’accumule trop, ça tourne vraiment à la fiction, sauf que le texte nous ramène au réel de la glissière ou des carreaux à refaire.. J »aime! Merci Line! (Moi aussi j’ai fait le DU à Marseille..)