Habiter en oiseau – Vincianne Despret « S’il y a des territoires qui tiennent à être chantés ou, plus précisément, qui ne tiennent qu’à être chantés, s’il y a des territoires qui tiennent à être marqués de la puissance des simulacres de présence, des territoires qui deviennent corps et des corps qui s’étendent en lieux de vie, s’il y a des lieux de vie qui deviennent chants ou des chants qui créent une place, s’il y a des puissances du son et des puissances d’odeurs, il y a sans nul doute quantité d’autres modes d’être de l’habiter qui multiplient les mondes. Quels verbes pourrions-nous découvrir qui évoquent ces puissances ? Y aurait-il des territoires dansés (puissance de la danse à accorder) ? Des territoires aimés (qui ne tiennent qu’à être aimés ? Puissance de l’amour), des territoires disputés (qui ne tiennent qu’à être disputés ?), partagés, conquis, marqués, connus, reconnus, appropriés, familiers ? Combien de verbes et quels verbes peuvent faire territoire ? Et quelles sont les pratiques qui vont permettre à ces verbes de proliférer ? Je suis convaincue, avec Haraway et bien d’autres, que multiplier les mondes peut rendre le nôtre plus habitables […]Je dis habiter, je devrais dire cohabiter, car il n’y a aucune manière d’habiter qui ne soit d’abord et avant tout “cohabiter” »
Habiter un bureau ou plutôt habiter des dizaines de mots sur des petits papiers décolorés habiter des feuilles de choses à faire datées par semaines et jamais achevées, habiter les reports de choses à faire, habiter des heures de conversation téléphoniques, les miennes, les leurs, habiter des habitudes et des inquiétudes habiter des rituels de café, de sucreries et de réunions qui énervent ou ennuient, habiter des bureaux d’entretiens jusqu’à penser n’avoir jamais été ailleurs que dans ces lieux à écouter des gens et à leurs parler, habiter dans des voitures, lancées folles et pour trop longtemps sur plusieurs routes de France, chargées à l’aller et vides au retour (ou inversement) des vies que nous déposons, ça et là, habiter des bancs durs de salles d’audiences non chauffées, habiter le parking des maisons d’arrêt, habiter des parloirs et des bruits de clés, habiter des cages d’escaliers. Rentrer chez soi.
The house that Jack Build est le dernier film de Lars Von Trier qu’il me reste à voir et que je ne verrais pas car il me terrifie avant même de l’avoir vu. Pourtant il en est de même pour tous les films de Lars Von Trier, même ceux que je connais et que j’aime tant. Il y a quelque chose d’intranquille dans l’idée d’habiter pour quelques heures ces films-là, et pourtant.
Habiter à 18 ans dans une capitale.
Il y a une chaine youtube sur laquelle on peut regarder des heures durant Martin retaper deux vieilles bergeries achetées une misère au fin fond de l’Italie. On peut regarder Martin transporter à la main dans une brouette ses outils et le matériau. Regarder Martin dormir dans un sac de couchage juste à côté de ce qui sera un jour chez lui. Regarder Martin construire un panneau solaire, un toit en ardoise. Regarder Martin construire sa maison.
Le foyer – la famille d’accueil – l’appartement vide d’une fille rencontré comme ça – chez le père – chez la mère – la maison d’arrêt – le quartier de semi-liberté – retour au quartier – chez un pote – chez la mère- le squatt – la maison d’arrêt, encore – l’appartement de la fille rencontrée.
Habiter partout est-ce vraiment habiter nulle part ? Je me pose la question alors que j’ai pour six mois une maison roulante avec moi. Je me pose la question aussi parce que je ne cesse d’imaginer mon appartement vide, sans moi, tout en imaginant avec angoisse les inconnus qui iront dedans. Je me pose la question et je pense à La promenade au phare de Virginia Woolf, avec cette maison vide qui représente le passage du temps.
99 Homes est un film américain réalisé par Ramin Bahrani, sorti en 2014.
Le film est présenté en compétition officielle au festival international du film de Venise en 20141.
Le film est dédié à Roger Ebert.
Synopsis[modifier | modifier le code]
Dans l’espoir de récupérer la maison de sa famille, un père devient l’homme de main de l’agent immobilier véreux qui les en a expulsés.
Right in the train I got tears in my eyes
Trying to read a letter from my home
If the train runs me right
I’ll be home by tomorrow night
‘Cause I’m 900 miles from my home
And I hate to hear that lonesome whistle blow
Je suis allée deux fois dans la maison abandonnée où mes grands-parents ont vécu, lorsqu’ils sont arrivés sur la côte d’azur. La première fois, j’étais enfant et je me souviens que nous avons forcé la porte, avec mon père. Pour découvrir un intérieur de papiers peints sombres et désolés. Ma mère a dit il n’y avait pas de salle de bain. La deuxième fois je suis allée seule, car adulte, voir dans le jardin les ronces s’épanouir. Il existe deux photos de ce jardin. Une où il est recouvert par une énorme couche de neige. Une autre dont je ne me souviens pas. Je m’étonne que ces maisons n’aient toujours pas été détruites, ou vendues.
Habiter en oiseau, magnifique ! et aussi Voir Martin construire sa maison. Et regarder les les oiseaux construire leurs nids, c’est vraiment super aussi.
Merci Line pour tes mots qu’il est bon de retrouver. A tout bientôt.