#anthologies #06 | vive la Creuse

 Je suis retournée voir les vaches. Elles avaient quitté le bosquet de hêtres sous lequel elles ont passé les heures les plus chaudes. Elles mangeaient bruyamment ; j’entendais leurs dents arracher l’herbe, sans doute parce que j’étais tout près. Des robes rousses et de grandes cornes en bataille. Les veaux étaient couchés ensemble, sauf un, pas le plus jeune, ni le plus maigre, qui suivait sa mère pour la téter. J’aime regarder les vaches, je les trouve apaisantes, jusqu’à je me souvienne que les mères sont dangereuses quand elles protègent leurs petits. Seule, le petit frisson me trouble vite.

Il y aura des troupeaux, de moutons. Et des patous ? Sans doute. Savez-vous vous comporter face à un patou ? ne pas bouger, ne pas agiter les bras, ne rien lui lancer et baisser les yeux. Ne jamais le regarder dans les yeux. Garder votre chien en laisse tout près de vous, ne pas le prendre dans les bras. Je renonce à ce circuit. Seule ou pas seule.

Quand vient la nuit, les gens cherchent une halte. L’aire naturelle au bord du lac ne fait pas exception. Ils arrivent, testent le lieu, parfois repartent, parfois reviennent. Quand je me prépare à passer seule la nuit dans ce lieu isolé, ce ballet me trouble. Il y a un grand plaisir et une certaine fierté à envisager la solitude dans la nuit. Le vent se lève, le soleil pâlit, je vais manger et boire un peu pour me donner du courage. Présences étrangères rassurantes ou angoissantes ?

Il était seul à tracter sur le marché de Royère de Vassivière, comme son homologue hier sur celui de Faux la montagne. Ils tractent en pays ami (la députée sortante était LFI), un point rouge sur la carte de France. N’empêche qu’il se sent bien seul et n’est pas du tout rassuré sur l’issue des élections. Me conseille de rechercher des procurations. C’est fait. Etrange solitude que celle que l’on ressent face à une majorité différente qui risque d’être écrasante.

Pendant ce temps, des gens prennent des avions, font la queue dans des aéroports, s’envolent vers des plages bondées, fréquentent des restaurants bruyants. Je me rassure dans mon ilot de paix en pleine nature. Toute seule, il y aura toujours ce refuge dans le chant des oiseaux et les vaches qui broutent.

A propos de Danièle Godard-Livet

Raconteuse d'histoires et faiseuse d'images, j'aime écrire et aider les autres à mettre en mots leurs projets (photographique, généalogique ou scientifique...et que sais-je encore). J'ai publié quelques livres (avec ou sans photo) en vente sur amazon ou sur demande à l'auteur. Je tiens un blog intermittent sur www.lesmotsjustes.org et j'ai même une chaîne YouTube où je poste qq réalisations débutantes. Voir son site les mots justes .

Un commentaire à propos de “#anthologies #06 | vive la Creuse”

  1. Ambivalence de la solitude… Richesse relationnelle de la solitude, où toutes nos parts d’être viennent se glisser… Merci pour ce texte d’exploration…