#anthologie #05 | La terre vide

J’avais la vie facile. Je bougeais et les choses bougeaient devant moi, à ma suite. Je souriais, on me souriait. J’étais rempli d’envies, de désirs. Envie de sauter, de crier, d’imposer et je réalisais tout ça avec une grande jouissance. Puis tout a déraillé. J’avais oublié la solitude. Son fantôme m’a rattrapé et envahi. Le temps du triomphe s’est réduit. Le temps mort s’est décuplé, riche de moments vides, suite de moments courts qui s’enchaînent, éloignant toujours plus loin le triomphe. Mon rapport conflictuel à la nuit. Toujours essayant de creuser quelque chose dans cette nuit, voué à l’échec mais toujours recommençant à creuser. Je commençai à bouger trop. Issoire, Clermont Ferrand, Le Puy en Velay, Saint Pierreville, Aubenas, Issoire, Super-Besse, Strasbourg. Montagnes, lacs, ski, moto, vélo. Tel chalet, telle chambre, telle maison, tel bar, tel intérieur. J’ai mélangé le jour et la nuit. Le fantôme de la nuit a donné naissance à d’autres fantômes venus de plus loin. J’ai commencé à essayer de m’enfuir mais de bonnes âmes me rattrapaient, tentaient de me replacer dans le jour. Trop de bonnes âmes dévolues à me retrouver.

J’ai arrêté de fuir, arrêté de me faire rattraper, arrêté de creuser, arrêté de bouger.

Je me suis entouré de blanc et suis devenu transparent avec un sac à porter très lourd derrière mes murs. Je le savais derrière mais je restais dans le blanc. Puis le mouvement est reparti sur des rails qui me faisaient bouger dans une direction unique. J’ai roulé, roulé sans regarder les choses sur le côté. J’étais comme une roue, cherchant perpétuellement à m’enterrer et ce mouvement perpétuel me faisait avancer tout droit à grands trajets de Clermont à Nancy à Paris à Angers à Brest à Dunkerque. A force de vouloir m’enterrer, peut être un mouvement contraire me ferait prendre mon envol. Je ne le veux pas. Ma vie envolé.

A propos de Emmanuel Courtieu

amateur de cinéma d'abord, théâtre ensuite de danse, de littérature de tout temps.

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