Je suis née une première fois. Sortie d’un gouffre pour plonger dans un autre. Je suis née sérieuse. Je suis née rieuse. Je suis née sans doute.
J’ai tout fait comme tout le monde. Je crois. Presque. Poussé mes dents, poussé mes jambes pour me tenir debout, esquissé un pas de danse. Et puis j’ai posé des questions.
J’ai tenu la main jusqu’au moment où je ne voulais plus qu’on me tienne la main. Je ne voulais plus qu’on m’accompagne. Je voulais qu’on me pousse.
J’ai voulu qu’on tranche. J’ai voulu la vérité. J’ai voulu les mensonges si bien dits.
J’ai voulu le monde et l’amitié et l’amour, j’ai voulu tout autour pour donner un centre. Et puis je n’ai plus voulu qu’on me côtoie.
Je suis dans l’opulence, je suis dans le petit.
Je suis gardienne et passante. Je suis usagère.
Osant. Débordant. Barricadée.
Je joue. Je parle. J’écoute.
Je suis née, et je n’étais pas rare.