le jour vient, réveil dans la lenteur et lumière progressive passant du gris au rose au blanc au brillant au patiné au débordant
seule dans le corps du jour
seule au pays inconnu lacis de chemins de bourgs de forêts
seule au proche des jardins en croissance sans s’occuper de rien d’autre que de sortir de la nuit et de vivre jusqu’au bout du jour et recommencer depuis cette tempête de septembre où je suis née en arrière du quai Leray, la mer brutalisait le môle les jetées les falaises, la petite sœur réclamait maman partie pour donner naissance, le monde était en train de changer
seule alors qu’on ne voit plus la terre tellement envahie par les herbes et les hautes graminées sous un bleu doux, alors que les sources livrent leurs eaux pures à profusion, alors que les mères des agneaux se régalent d’orties, la fenêtre est ouverte sur le silence de l’ancienne ferme avec dépendances et vaste prairie et la brise soulève les feuillets sur la table qui sert de bureau, silence pas tant de ça, rumeurs multiples et sourdes au cours de la première promenade à redécouvrir les arbres le matin, l’élan de leurs bras, les choses du monde, les créatures en train de s’activer dans les trous de la terre, à la fois le trop de vide et le trop de plein et l’exultation qui pousse dans les veines
seule — oui sans doute — , un sentiment fort et précis, essentiel avec foule de mots à venir, chaque fois de nouveaux mots à livrer en pâture tous les jours, les pieds foulant la terre invisible avec des trous et des bosses comme s’embarquer au port jamais oublié de la naissance et poursuivre une trajectoire connue de personne inventée à chaque lever de soleil à chaque pas, aucune horloge ne donne l’heure sinon l’orbe du soleil, n’importe quel est le jour, si le facteur ne passe pas alors c’est dimanche, seule pour penser grommeler observer rassembler la joie et les forces continuer plus loin encore
écrire voir désirer la beauté
ouvrir plus large la porte
Très beau texte, merci;)
oh merci Nolwenn, tu me surprends alors que je finissais, posais les derniers mots… merci pour tes mots rassurants
« seule avec foule de mots à venir » des mots qui sauvent alors. J’aime beaucoup comment le début du texte s’appuie sur le prologue.
oui c’est tout à fait ça ! prologue que je n’ai pas pu écrire à temps… et j’y ai pensé justement… au début j’avais écrit « elle » et puis je suis passée au « je » parce que ça ne collait pas!
je me suis souvenue du texte écrit l’an dernier ou il y a deux ans sur le texte de Peter Handke, il faudrait que je le retrouve
merci Cécile, merci
Merveilleux texte, Françoise ! Une solitude calme, en paix avec elle-même. Si contente d´être de nouveau ici, de te retrouver.
te retrouver par ici est aussi un bonheur, au-delà de nos toiles personnelles..;
De la poésie à chaque phrase, une solitude mais tellement habitée par les mots, les mères des agneaux, les herbes folles, seule mais complètement en osmose avec le monde intérieur et extérieur. merci Françoise.
« écrire voir désirer la beauté
ouvrir plus large la porte »
Je trouve que c’est une belle manière de parler de l’écriture et de son objet : voir désirer la beauté et forcément ouvrir plus large la porte. Merci Françoise
Très touchée par ce beau texte poétique . « …seule — oui sans doute — , un sentiment fort et précis, essentiel avec foule de mots à venir, … de nouveaux mots à offrir en pâture ».
Seule pour écrire, pour mieux voir le monde.. Merci Françoise !
Merci pour cette porte ouverte, entr’ouverte. On a envie d’aller voir plus loin que l’horizon visible. Imaginaire au pouvoir, Merci!!