#anthologie #33 | La lune au fond du puit et la lupara bianca

Armuzze sante de la luce facite bene che dio vi troverà la carità. Anime sante Anime purganti… Une litanie le soir dans le noir : Terre mauvaise terre, le sang coule sur cette terre. Des cloches sonnent, un chien aboie, l’écho parle, un coup frappé à la porte. Porte tuppuliare, eco parrare…  L’invisible à Bagheria ce soir avec les trois femmes. Des signes. Est-il encore vivant ? Trois femmes seules dans le noir, la montagne au-delà du sable dur de la terre calcaire les écoute. Un Signe à frayer le destin. Trente ans après. Contre vent et marées. Trois femmes ensemble dans la nuit froide. Une d’entre elles cherche encore. Au délà de tout de sa souffrance, jamais oubliée, toujours en sourdine. Là derrière la porte : porta tuppuliare. Tous ces signes, tous ces signes… Je l’ai su subito, immédiatement. Et toi  ? Non moi je savais, je savais qu’il n’était plus là. Je l’ai  su tout de suite. Une voix  : « il n’est plus là ». Un fusil, un chien Le corps de son frère écrasé, dissous ? Introuvable disparu. Trente ans après devant la montagne cristaux de roche rose turquoise, mélange opalin qui se fond dans la mer. Simple à savoir. Le corps n’a pas laissé de trace. Un enfer de vie, prier pour n’importe qui d’autre, se bousculer dans la nuit entre ces âmes toutes perdues sans abris et le frère avec. Se frayer une route au-delà du silence. Pas de confirmation. Silence. Tous se sont tus. Un village entier. Pas d’oreilles. Pas de vue. Les yeux offerts dans un plateau en procession à la Sainte Agathe. Cela vaut mieux ! Effacer toute trace du corps. Un coup frappé à la porte, âmes saintes du purgatoire amenez-moi des bonnes choses. Les morts encombrement de ma tête je ne parviens pas à m’en débarasser. Blancheur de la roche à coté des fumarolles. La fumée qui surgit de la terre, les âmes suspendues entre la vie et la mort. Lune vaste pleine immense nuit vide au fond du puit tu éclaircie la mer noire sobre infinie tu te reflet dans ses eaux frémissantes. 

A Bagheria, dans les années ’90, 1.000 personnes ont disparu tué par la mafia selon la modalité de la Lupara Bianca (immersion dans l’acide et dissolution des corps). Trois femmes (dont l’une a perdu le frère) en témoignent.