#anthologie #33 | couché dans la grande prairie

Une nouvelle lueur, un nouveau langage gravé sur les parois suintantes de la sueur et du sang des vivants, on n’oublierait pas la couleur du ciel inscrite en nous depuis longtemps ni l’odeur de la terre rafraîchie par l’averse, mais le monde d’en-bas serait immense et pas aussi silencieux qu’on l’aurait cru, chaque murmure amplifié par le jeu des échos et renvoyé dans les multiples galeries, une sorte de lumière divine légèrement rougeoyante se dégagerait des parois entre lesquelles on circulerait comme fous et assoiffés de découverte, la même lueur initiée par ce petit point de fusion qui nous aurait incités à nous engager dans la fente pour cet étrange voyage qui nous propulse qu’on le veuille ou non au pied de vastes éboulis dans une vallée non répertoriée sur les cartes où coule un fleuve immense tout pareil à une mer (#23)

Passages élargis multipliés Avancer à travers le silence, flou incertain, gommer l’hésitation La couleur du ciel inscrite en lui au cours des nombreux rêves terre rafraîchie arbres en floraison Comment il est devenu soudain assoiffé Comment il est devenu aventurier Le visage blême dans la neige

En arrière de lui

Et la part du voyage et la part du fleuve immense tout pareil à une mer qu’il traverse un jour Son réel sa poésie son voyage à travers l’Europe en guerre Guerre cendres destruction il avance vers sa propre destruction Il ne sait pas Il ne sait rien Souffle paysage blancheur des fruitiers Comment il l’a vue Ce silence blanc

Ça devient immense Là-bas Craquelures fissures du rocher multiples galeries sous la terre Porte secrète au calme des taillis Il attend l’averse parfois Domaine non répertorié sur les cartes le vert intense des prairies après la poussière des éboulis et les zones sans repères Là-bas Comment il la rencontre la prend dans ses bras Quelle autre issue et ça emporte

Étrange le voyage Il ira par le geste par la danse vers les grands feux de l’été Corps transe flamme corps dressé Enfant à venir Quel souvenir demeure de la neige du corps dans la neige Tout lui sera retiré sang retiré pulsation interrompue blanc des cerisiers L’enfant crie petit corps et ce quelque chose qu’il n’a n’aura jamais Pourquoi Passages rétrécis ciel invisible sinon par les fenêtres Noyau durci dans le cœur Sans fin seule fin possible Jude dans l’herbe un jour couché trouvé sous le tilleul Au-delà de la grande prairie

A propos de Françoise Renaud

Parcours entre géologie et littérature, entre Bretagne et Languedoc. Certains mots lui font dresser les oreilles : peau, rébellion, atlantique (parce qu’il faut bien choisir). Romans récits nouvelles poésie publiés depuis 1997. Vit en sud Cévennes. Et voilà. Son site, ses publications, photographies, journal : francoiserenaud.com.

12 commentaires à propos de “#anthologie #33 | couché dans la grande prairie”

  1. Avec ces petits bouts de phrases, le texte prend de la force, l’espace naturel s’agrandit, la vie du personnage se densifie. Cette forme d’ écriture apporte beaucoup de présence. Merci Françoise

    • je suis vraiment gâtée avec vos beaux commentaires, chères amies, et merci à toi Carole pour tes passages par chez moi…
      (hier j’ai sauté la 32 pour faire la 31 en retard.. et j’essaie de garder le contact… jusqu’au bout ?)
      merci en tout cas… et à se lire encore

      • J ai réussi à me réengager dans le tourbillon . J ai écrit sur la #32 . Les autres attendrons demain . Merci pour tes beaux textes . Suis épatée !!!!

    • il me semble que Kafka dit aussi quelque chose d’approchant : « un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous », « un coup de poing sur le crâne… » Bref, on y est ! et c’est tellement ça…
      écrire n’a surtout rien d’intellectuel, ce serait même tout le contraire… tenter de rassembler toutes ses capacités sensibles pour donner à ressentir des choses cachées dans la matière de la vie, enfin bref ! on en reparle…
      Merci Camille pour ton passage là encore qui me donne le désir de poursuivre…

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