Mars 1915, villages traversés, dévastés, bombardés, à terre, des maisons encore debout occupées par des allemands, ciel tourmenté, nuages noirs et fumées, des combats au loin, bruits incessants, pleurs et hurlements, douleur de celles et ceux qui partent, de celles et ceux qui restent, sols crayeux noircis par la cendre, ciel gris cendre, bruits de bottes, huit villages détruits lors de la bataille de la Marne en septembre 14, Perthes-lès-Hurlus, Hurlus, Le Mesnil-lès-Hurlus, Tahure, Nauroy, Moronvilliers, villages jamais reconstruits, familles restant dans les ruines pas la possibilité d’un ailleurs, pas de cadavres, morts vite enterrés, longue longue route, passage par la Suisse pays neutre, ciel moins gris, le temps de ce trajet helvétique éviter ainsi les zones de combat en France, presque oublier la guerre, non impossible d’oublier, impossible d’oublier les combats, impossible d’oublier l’angoisse pour la famille restée au pays, angoisse de l’exil, toujours dans la tête présents les hurlements des armes et des obus, nuit et jour, voyage en train interminable, passage frontière, trains inspectés par l’armée française, retour en France, incrédulité en voyant les campagnes pas touchées par les combats, Annemasse, longs interrogatoires, recueils d’informations sur les soldats allemands occupant les villages quittés, pour une compréhension de leur stratégie.
Avril 1915, ciel bleu uniforme sans nuage, soleil méditerranéen, Cannes ville grouillante de l’exil, hôtel le Beau Rivage, le Beau Rivage comme celui de la Méditerranée, voir la mer pour la première fois, joie mêlée de tristesse, toujours pensées pour la famille, famille toujours ou pas en vie, chaleur, plaisir du soleil sur la peau, petit instant de bonheur, aller jusqu’à la mer, se mouiller les mains. Seule face à l’immensité. Avoir 15 ans et défaillir.
Merci pour cette succession de mots et d’images fortes et émouvantes.