Ça commence par l’ouverture du rideau de fer dans la cour. Ils sont deux à récupérer les cageots de fruits qu’ils mettent sur un diable. Ils sortent de la cour, ils passent le couloir, ils sortent dans la rue. La circulation est coupée, on refait la route, on agrandit les trottoirs, ça râle. Bruit principal des travaux : marteau piqueur géant qui pique le goudron. Le diable va jusqu’au métro et déballe ses fruits. Derrière le métro, longue avenue de Flandres qui va de Pantin à Stalingrad, avenue polymorphe. Un homme a dit, non loin de cette rue : « je suis descendu à Réaumur et c’était normal, les gens étaient normaux, c’était normal quoi. Ici c’est… » Ici c’est chez moi. Plus loin que le métro et au-delà de l’avenue, c’est l’eau. De la Villette à République. Une Seine qu’on tente d’assainir, il y a des endroits où ça bout, qu’ont-ils mis dedans pour que ça fasse ça, et flottent : sacs plastiques, canettes, poubelles, algues. Ce n’est pas là qu’elles, les femmes politiques, se sont baignées. Des flics passent, regardent et disent : « moi je me baignerai pas ». À la Villette, il y a une installation avec des panneaux Slovénie et South Africa. Paris 2024 est partout. Paris fête les jeux. Paris fête, Paris coince. Sa Seine bout. Plus haut, les Buttes Chaumont. Plus haut encore, Belleville et sa vue sur tout Paris, tour Eiffel et tour de Jussieu. La flamme olympique passe là, rubalise. Et ça descend. Ce n’est plus le même quartier, ici c’est Jourdain, c’est Pyrénées, c’est les chics, c’est les autres, c’est les normaux de l’autre, les Parisiens qui ont toujours le meilleur maraîcher, le meilleur fromager, qui courent en espadrille avec la poussette derrière l’aînée qui est en trottinette et s’en fout des voitures. Et doudou tombe. Ici, c’est Paris qu’on retrouve à Oléron et à l’île de Ré. C’est le Paris qui part en vacances. Surtout pendant 2024, et bien sûr, ils ont loué leur appartement trop petit une petite fortune. Plus bas, le Belleville chinois. Encore après, Ménilmontant et le père Lachaise, jusqu’à Nation que ça va. À Nation la grande place, les entrées de métro. Et devant, étalage de fruits sur des tréteaux. Sous les tréteaux, les cartons qu’on a transportés jusque-là avec un diable et dedans les fruits récupérés dans la cour d’un immeuble derrière le rideau de fer d’une laverie désaffectée. La propriétaire dit qu’elle n’est pas au courant qu’on stocke des fruits qui sentent le pourri dans sa laverie. Pourtant ils ont le badge, pourtant on ne la croit pas. D’aucuns disent que c’est fait sous le manteau tout ça, parce que la mère de la nouvelle propriétaire vit à Hong Kong, et que sa mère, c’est la mafia.
Tout à fait ça… (Non elles ne baignent pas : elles se montrent et se vendent) (Merci)
🙂 Merci Piero de ta lecture et ton commentaire, j’en déduis que peut-être tu es parisien aussi? De quel quartier?
belleville côté 11 :°) bonne suite…