#anthologie #32 | Inconnu à cette adresse (suite)

Où habitez-vous ?… Ce sont les noms propres qu’on perd en premier… L’autre jour , je me suis perdu dans le quartier… impossible de demander mon chemin. J’avais perdu mes mots …mais où habitez-vous ?…je ne savais plus le nom de ma rue… en fait… mon adresse … je ne connaissais plus mon adresse…je l’ai pourtant noter des milliards de fois…mais d’un coup… tout a disparu de ma mémoire.., quand j’ai voulu prononcer le.. le… numéro de ma rue… je ne me rappelais plus les chiffres …  42…45…24….54 … ça ne me disait rien… à quoi bon tant de chiffres … pourquoi ?.. pour se situer dans une rue… une  rue….dans un quartier… un quartier… dans une ville… une ville… dans un pays… hou ! j’ai le tournis… je m’égare encore. Je voudrais retrouver le nom de ma rue … bon sang ! . C’est un nom de lieu… peut-être  ou  un nom  d’homme politique ?… un nom  de résistant ?…  un nom d’écrivain célèbre… tiens…sais plus …

Ça y est, ça me revient… La seule chose dont je me souvienne , c’est que c’est une rue qui tourne, vers la gauche… non… vers la droite … c’est ça… une rue qui va vers la droite… je me souviens bien de marcher…et de tourner vers la droite… Ha …il y avait un… un rond-point… ça se complique…le problème c’est bien le rond-point,   et après ma rue va tout droit… mais où…gauche , droite… j’ avance…peut-être que si je regarde un plan , je me souviendrais de l’endroit où se trouve ma rue sur un plan à plat … et je lirais  tous les  noms des rues qui tournent à droite après un rond-point … c’ est ça. C’est une bonne piste…ça …jusqu’à ce que je  tombe sur le nom de ma rue…ou peut être que quelqu’un de ma rue me connaitrait  et me dirait , « Bonjour Monsieur Untel, vous cherchez à vous diriger quelque part …? Vous êtes perdu… ? mais je vous reconnais …vous habitez ici…en me montrant  du doigt où j’habite sur le plan à plat. C’est là , vous habitez là…d’ailleurs nous sommes voisins et nous habitons dans la même rue… » ce serait magnifique !…mais qui peut me connaitre ?… moi qui jne me reconnais plus … je me suis oublié… Et c’est aussi pour ça… que je ne connais plus mon adresse…je n’ai plus de nom  , je suis…  inconnu à cette adresse …

(#32)

Alors je me suis dis, je vais finir par me souvenir de mon quartier. Voyons, c’était une zone pavillonnaire comme celle qui existe dans toutes les banlieues. Sans histoire. Enfin , il faut le dire vite.  Il y a bien  eu un « Meurtre dans la rue Morgue » l’autre jour. Il parait que c’est un Oran Goutan qui a fait le coup. Pour un quartier tranquille, il y a de quoi s’inquiéter…mais non…., ça… c’est un titre de livre d’Edgard Poe. Mais pourquoi avoir retenu ce nom. Les hasards de la mémoire sont comme ça …on ne comprend pas toujours.

C’est très difficile de « ne pas se perdre dans le quartier » – mais  allons, allons, ça c’est un de dernier roman de Modiano…– vu que tout se ressemble. Mais que vais-je faire de ces réminiscences qui m’embrouillent complètement… Suis-je dans mon quartier ou dans une bibliothèque ?  Peut étre suis-je écrivain , ou bibliothécaire… ? Peut-être est-ce une piste ? c’est ça mon chien , cherche, cherche .. on est sur une piste…

Excepté les nains de jardins qui habitent les petits espaces gazonnés, il n’y a pas grand monde à qui parler. Tous sont au travail du matin au soir, sauf le dimanche ou les odeurs de barbecue envahissent la zone.

Je me rappelle certains noms de rue pourtant , « rue de la liberté, rue de l’inégalité ou rue de résistance » ces noms de rues ne me disent rien. Qui est libre aujourd’hui, en fait, vraiment libre…? Qui résiste aujourd’hui ? Comment m’ y retrouver. Je ne sais pas , je marche , on verra bien. Je vais bien finir par arriver dans un endroit vraiment habité , avec des gens dedans, qui parlent, que me parleront , je veux dire vraiment. Me demanderont comment je vais , où je vais , d’où je viens, si j’ai faim ou soif.  Ce serait magnifique ! Tiens ce nom de café me dit quelque chose: « Le café de la jeunesse perdu ». Ça y est ça me reprend, du Modino…Moi je dirai plutôt le café de la mémoire perdue. Bon, personne ne peut se douter que je cherche mon adresse, je promène mon chien comme tout le monde. Je pourrai imaginer que mon chien pourrait me ramener chez moi. Mais non, ce chien a une cervelle de moineau. On est perdus tous les deux et je ne sais pas combien de temps , ça va durer. Ça fait quatre heures que nous marchons on tourne en rond. Tiens, on arrive « rue de la liberté ». Et alors ? Ça prouve quoi ? Je croyais que ceux qui sont sur les routes, sans adresse, comme moi finalement, sont vraiment libres… mais non, quand on n’ a pas d’ adresse , on est libre de rien du tout. Mon rêve , trouver une adresse , où je serai vraiment libre…ce serait magnifique !

A propos de Carole Temstet

Née , à Paris en 1966 , professeure de français en invalidité depuis 20 ans , j 'ai fait des formations d'atelier d'écriture chez Bing et Aleph. Diplomée en Développement personnel et en Art oratoire , j 'aide aujourd'hui tous ceux qui veulent trouver leur voi-e-x par l'écriture et la lecture. Coach de vie et animatrice en atelier d'écriture dans les milieux scolaires et associatifs, j 'aide adultes et enfants à développer leur créativité et à y prendre goût au sein de l ' association Mots et Pinceaux à Nogent sur Marne. J'ai publié 2 livres à la Société des Écrivains , un premier roman intitulé "Hors sujet" et un roman pour la jeunesse à partir de 9 ans " Violon d'étoiles" illustré par mes aquarelles, dit par P. Calmon (acteur) et joué au violon par I. Scialom (violoniste). (lien à trouver sur Publibook.fr) site FB : Carole Temstet-Lévy-autrice J 'aime apprendre, lire et être lu, écouter et joué du piano, voir des expos et peindre...

3 commentaires à propos de “#anthologie #32 | Inconnu à cette adresse (suite)”

  1. justement pas de lieu mais une quête du lieu, une exploration dans un quartier désert
    on aurait tant envie de l’aider… mais pas de panique ! et ce qui me rassure vraiment, c’est qu’elle n’est pas seule, elle est avec son chien même s’il a « une cervelle de moineau »…
    merci Carole

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