#anthologie #32 | Au delà de la fenêtre

en lien avec l’immeuble

Il ouvre sa fenêtre, sur sa gauche à mi-chemin entre le mur de son bâtiment et la route encerclant la résidence un palmier pousse péniblement. Il en a compté vingt lors de sa première promenade à pied à l’extérieur. La stagiaire du kinésithérapeute le suivait trois pas en arrière avec son fauteuil roulant pour lui permettre de s’assoir dès qu’il se sentirait fatigué. Effectivement après quelques pas en déambulateur il a senti qu’il n’irait pas plus loin. Mélanie, la stagiaire, a accepté de le pousser pour poursuivre sa visite des environs. Ils sont restés à l’intérieur de l’espace délimité par une clôture de jardin grillagée vert bouteille. La même que celle délimitant la seule autre entreprise de la rue menant à sa résidence médicalisée. Une entreprise de pompes funèbres; apparemment  personne au service  de l’urbanisme de la mairie n’a relevé le cynisme de ce voisinage. 

Qu’importe, il a poursuivi sa promenade, c’est ainsi qu’il a vu les vingt palmiers disposés régulièrement  sur la pelouse entourant les trois bâtiments de la résidence. Sur la brochure d’accueil l’ensemble pelouse et arbres sont qualifiés de parc arboré. Il a compris qu’il faudrait être patient avant de plonger dans la verdure. S’il regarde du côté droit, il voit les champs au delà de la clôture. Actuellement, des rangées bien alignées de pousses vertes sortent du sol à perte du vue, il n’a aucune idée du végétal planté là, des tournesols peut-être ou alors du maïs. Quoique du maïs lui paraît peu probable, il n’aperçoit pas ces structures d’arrosages métalliques montées sur grandes roues faites pour être promenées sur les champs, des horreurs doublées d’un scandale écologique. Autour de la résidence le paysage est plat. Au loin, à environ un kilomètre de rares voitures passent. En cette saison la circulation est calme. Les autres pensionnaires, ceux installés à la même table que lui au réfectoire, lui ont dit que la route s’animait lors du week-end de chassé croisé à la jointure juillet et août. Mais ils lui ont assuré que le bruit n’arriverait pas jusqu’à eux. Il n’en doute pas, ils sont loin du village, de la nationale, de la vie. Le fait de jouxter le crématorium ne le rassure pas. 

A propos de Noëlle Baillon-Bachoc

Lectrice compulsive, attirée depuis le plus jeune âge par la littérature de l’imaginaire avec une prédilection pour le fantastique. Je me consacre à présent totalement à l’écriture. J’anime des ateliers d’écriture et des stages dédiées à la littérature de l’imaginaire.