Il est 2 h00 de matin, Oran est calme , Louiso ,10 ans , va chercher son père pour le rentrer jusqu’à la maison. II fait nuit noire . Le clair de lune laisse quelques lueurs pour que l’enfant se repère dans les ruelles sombres. Tout le monde dort. Les lumières de la ville sont éteintes. Le fils marche vers le père, seuls ses pas résonnent et lui reviennent en échos .
Je marche dans son ombre. Il ne sait pas que je suis là. c ‘est normal , je suis l ‘écrivain. je lui souffle :
— Tu n ‘as aucune de raison d’ avoir peur. Toute la ville , te connaît, et connait ton père ; il est très populaire ici . Personne n ‘aurait l ‘idée de poignarder un aveugle, qui joue de la musique arabo-andalouse.
L’enfant n’a pas peur mais quand-même. Ces derniers temps , il y a eu quelques agressions dans le quartier . Des coups de couteaux qui s’enfoncent brusquement dans des corps dans le surgissement d’une violence inconnue . Louiso se rassure, personne ne s’en prendrait à un aveugle et à son enfant, ils sont trop connus dans le quartier.
– Voilà tu as compris. Il ne faut pas avoir peur. Louiso fait l’expérience de l’obscurité, de la non-voyance. Il aime ça, il se rapproche de plus en plus de son père. Il casse une petite branche d’arbre mort sur sa route et s’en fait une canne.
Louiso , c’est mon personnage révolté. Il n ‘acceptera jamais le handicap de son père. il va apprendre la musique, en cachette car son père refusera que ses enfants pratiquent la musique. Louiso naîtra avec de la nostalgie dans le sang et il jouera du violon jazz et de la batterie dans l’orchestre du lycée technique où il apprendre le metier d ‘installateur d ‘enseignes lumineuses. Il aimera ce métier d’ électricien spécialisé. Mettre de la lumière dans la ville, c ‘est comme mettre de la vie dans les coeurs des filles se dit-il tout le temps.
Oran dort. Quelques bruits parviennent aux oreilles de l’enfant. Le bruissement des feuilles sous le vent du soir, le craquement des arbres secs. Comme toutes les rues d’Oran descendent à la mer, les vagues qui s’échouent sur la plage font remonter leurs clapotis qui se mêlent au ressac qui vient heurter sur les quais du port. C’est là que commence son morceau de jazz aux tintements légers des cymbales caressées par les baguettes… son oreille d’enfant arrive à déceler plus loin encore, le bruit des voiles de bateaux, des cordages, et des poulies de ponts qui l’emmène vers des pays lointains… intro de la symphonie des départs… Bing- tac, Bing- tac . Bing-tac…. boum!
Il traverse la place déserte et les hommes des cafés ramassent table et chaises du dernier service. Tout le monde se dépêche ; il est tard , il passe devant la terrasse de l’Hôtel Saint Georges où les serveurs ont hâte de finir leur service. Louiso entend le bruit des colonnes de chaises qu ils entassent à la va-vite. Le grincement des tables que l’on traine sur le sol . Le ralle des serveurs après une journée d’agitation et de travail sous la chaleur…Le crissement de la manivelle qui remonte le store-banne. Le patron qui s’esclaffe et hurle sur l’apprenti qui coince systématiquement le store jusqu’ au jour … c ‘est le bruit sec du déchirement du tissus rayé …viré, Paf ! un coup de pied au cul..
Je suis toujours sur les traces de l’enfant dans la ville. Je suis dans son regard, je vois tout ce qu’il voit , je ressens tout ce qu’il ressent . Il observe tout ce qui bouge et ce quartier des étudiants a quelque chose qui le fait fascine. Pour ce pré-ado, les adultes joue toujours au plus fort ; et les jeunes font des erreurs , des fautes qu’ils paient cher ; ils sont sans cesse humiliés quoiqu’ils fassent . Je veux que Louiso ressente l’injustice. Cette injustice qui a frappé son père, l’injustice d ‘être à la place du grand frère responsable de toute une famille . Injustice de ne pas avoir le droit à une vie d’enfant. Comment un gosse de 10 ans peut-il ressentir de la nostalgie . Louiso comprend de façon intuitive toute la poésie de la nostalgie, son rythme, son déchirement intérieure, sa grande tristesse, et surtout l’idée de la perte irrémédiable. Vas-y mon Louiso déambule… avec dans la tête le son des percutions de morceaux de jazz que les américains ont amené en Algérie en 42. Et ça c ‘est fou, c ‘est nouveau, une respiration, une inspiration.
Je suis sur les traces de mon Louiso et naît en lui une vocation. Il deviendra un grand Jazz- Man
Louiso déambule avec sa canne-branche. Le bruit de ses pas qui glisse sur le pavé sablé et de sa canne qui rythme « un , deux ,tac, un deux , tac, un deux tac » ce serait presque l’ intro à la percu d’un mouvement de Jazz. Ferme les yeux, s’arrête. Se rapproche de l’expérience de l’obscurité la plus complète et de la musique qui fait battre son coeur. Quand il réouvre les yeux, les derniers cafés ont éteint leur lumière . Les pas des étudiants fêtards du Café de l’Université se sont éloignés . Pourtant un petit groupe s’est assis sur le banc devant le monument aux morts. Certains titubent encore… Eructations, exclamations , non-sens, profusions d’onomatopées … puis c’ est le bruit de verre de bouteille cassée sur le sol, il préfère changer de trottoir . Personne ne peut le voir, l’ obscurité le protège ; il ne craint rien. Il relève et finit par jeter sa canne-branche et marche sur la pointe des pieds, il préfère jouer à « l’homme invisible ». Il est seul dans la nuit , il continue sa marche vers son père ; il sait qu’il est bientôt arrivé , il connait le chemin comme s’ il pouvait y aller les yeux fermés justement.
Henry attend sur une chaise . Il est là, en costume sombre chemise blanche et lunette noire. Exactement comme un joueur de jazz qui lui rappellera son père des années plus tard. Il est assis avec son violon sur les genoux et sa canne blanche dans la main. Elle reluit sous la lune.
Il lui chuchote quelques mots à l’oreille. Son père gronde et vocifère sans contrôler son flot de paroles dans une voix rocailleuse imbibée d’alcool.
Ils repartent un deux-tac, un deux , un deux-tac, un deux…
Il est 2 h00 de matin, Oran est calme , Louiso ,10 ans , va chercher son père pour le rentrer jusqu’à la maison. II fait nuit noire . Le clair de lune laisse quelques lueurs pour que l’enfant se repère dans les ruelles sombres. Tout le monde dort. Les lumières de la ville sont éteintes. Le fils marche vers le père, seuls ses pas résonnent et lui reviennent en échos . Il n’a pas peur mais quand-même. Ces derniers temps , il y a eu quelques agressions dans le quartier . Des coups de couteaux qui s’enfonçent brusquement dans des corps dans le surgissement d’une violence inconnue . Louiso se rassure, personne ne s’en prendrait à un aveugle et à son enfant, ils sont trop connus dans le quartier. Louiso fait l’expérience de l’obscurité, de la non-voyance. Il aime ça, il se rapproche de plus en plus de son père. Il casse une petite branche d’arbre mort sur sa route et s’en fait une canne.
Oran dort. Quelques bruits parviennent aux oreilles de l’enfant. Le bruissement des feuilles sous le vent du soir, le craquement des arbres secs. Comme toutes les rues d’Oran descendent à la mer, les vagues qui s’échouent sur la plage font remonter leurs clapotis qui se mêlent au ressac qui vient heurter sur les quais du port. C’est là que commence son morceau de jazz aux tintements légers des cymbales caressées par les baguettes… son oreille d’enfant arrive à déceler plus loin encore, le bruit des voiles de bateaux, des cordages, et des poulies de ponts qui l’emmène vers des pays lointains… intro de la symphonie des départs… Bing- tac, Bing- tac . Bing-tac…. boum!
Il traverse la place déserte et les hommes des cafés ramassent table et chaises du dernier service. Tout le monde se dépêche ; il est tard , il passe devant la terrasse de l’Hôtel Saint Georges où les serveurs ont hâte de finir leur service. Louiso entend le bruit des colonnes de chaises qu ils entassent à la va-vite. Le grincement des tables que l’on traine sur le sol . Le ralle des serveurs après une journée d’agitation et de travail sous la chaleur…Le crissement de la manivelle qui remonte le store-banne. Le patron qui s’esclaffe et hurle sur l’apprenti qui coince systématiquement le store jusqu’ au jour … c ‘est le bruit sec du déchirement du tissus rayé …viré, Paf ! un coup de pied au cul..
Louiso déambule avec sa canne-branche. Le bruit de ses pas qui glisse sur le pavé sablé et de sa canne qui rythme « un , deux ,tac, un deux , tac, un deux tac » ce serait presque l’ intro à la percu d’un mouvement de Jazz. Ferme les yeux, s’arrête. Se rapproche de l’expérience de l’obscurité la plus complète et de la musique qui fait battre son coeur. Quand il réouvre les yeux, les derniers cafés ont éteint leur lumière . Les pas des étudiants fêtards du Café de l’Université se sont éloignés . Pourtant un petit groupe s’est assis sur le banc devant le monument aux morts. Certains titubent encore… Eructations, exclamations , non-sens, profusions d’onomatopées … puis c’ est le bruit de verre de bouteille cassée sur le sol, il préfère changer de trottoir . Personne ne peut le voir, l’ obscurité le protège ; il ne craint rien. Il relève et finit par jeter sa canne-branche et marche sur la pointe des pieds, il préfère jouer à « l’homme invisible ». Il est seul dans la nuit , il continue sa marche vers son père ; il sait qu’il est bientôt arrivé , il connait le chemin comme s’ il pouvait y aller les yeux fermés justement.
Henry attend sur une chaise . Il est là, en costume sombre chemise blanche et lunette noire. Exactement comme un joueur de jazz qui lui rappellera son père des années plus tard. Il est assis avec son violon sur les genoux et sa canne blanche dans la main. Elle reluit sous la lune.
Il lui chuchote quelques mots à l’oreille. Son père gronde et vocifère sans contrôler son flot de paroles dans une voix rocailleuse imbibée d’alcool.
Ils repartent un deux-tac, un deux.
que j’aime Louiso