(#23 Dans l’infini)
La peau est tatouée. Une fleur d’artichaud sur l’intérieur du bras droit, c’est ce qu’il a toujours voulu. Une toile d’araignée sur la main droite. Et pêle-mêle, des doigts au cou : un légo voiture, une cassette audio, une éponge, un dictaphone, un pied, une tête de mort, un fil à linge sans linge avec des pinces, une fenêtre dont un seul pan est ouvert, une télécommande, une tong, un bidon d’essence, un cou de girafe, un revolver en mousse, une cage ouverte, une veste en jean, un tuyau d’arrosage et Stalker écrit en russe.
(#22 Les Chardons)
Devant les boutiques (après très récente visite, il n’y a finalement plus de distributeur automatique mais un magasin Saveurs d’ailleurs et à côté, À tout poil), il y a trois statues de bois. La plus imposante, une femme en taille réelle, avec une robe d’avant, coiffe bretonne sans doute, portant un panier, elle est penchée. Est-ce qu’elle s’est penchée avec le temps et l’usure (le bois est blanc aujourd’hui, vermoulu et l’ensemble est assez laid), ou était-elle penchée au départ, dans son élan d’acheter, dans sa précipitation d’être la première aux légumes et au poisson, ou dans un mouvement naturel de marche de femme en robe longue et épaisse et sabots de bois.
(#18 Figer)
Le Moaï du British Museum est un Moaï comme on l’imagine. On voudrait mettre sa main sur son torse mais on n’a pas le droit. On ne peut qu’admirer le colosse en tournant autour. On voudrait creuser dessous pour voir le reste du corps et des inscriptions qu’on n’a jamais su déchiffrer mais il est coupé en deux, celui-là était tombé, celui-là sans doute n’a jamais pu être dressé dos à la mer, tête vers le ciel, à guetter le retour des oiseaux géants.
(#17 Jane)
Le faux Nicolas Poussin a été déplacé. Il n’est plus au-dessus de la cheminée car la peinture s’abîme avec la chaleur des flammes. Il est à présent décalé de deux mètres. Il est fait d’après, avec ses arbres vert de vessie, son ambiance faussement dominicale de déjeuner sur l’herbe avec un joueur de flûte, un panier qui dégorge et deux chèvres sans corde. Mais au deuxième plan, derrière les heureux, dans la rivière où des sérieux sont à pêcher, un cadavre (de lépreux, d’hérétique, de mendiant) descend le cours de la rivière dans l’insouciance des poissons qui s’agitent autour. Les truites s’enflamment.
(#16 Les aiguilles)
À côté de l’horloge, une affiche de Picasso, celle de l’oiseau avec sa branche. C’est une lithographie qui a été punaisée plusieurs fois puisqu’il y a des trous à chaque coin. Elle est jaunie sur sa partie droite, signe d’une ancienne insolation.
« penchée avec le temps et l’usure » on retient un détail de chaque œuvre, tatouages improbables, celui-là (et pas un autre, le faux crevant la toile, les punaises : c’est là devant nous. Merci pour focus
Merci Cécile pour ta lecture et ton commentaire;)
J’aime beaucoup le Moaï, l’envie de tourner autour, à la lecture de sa description. Et l’affiche de Picasso punaisée à plusieurs endroits, des trous dans l’oeuvre, ça me plait. Merci Nolween, ces ajouts sont tellement un plus. C’est en lisant les textes des autres que je m’en aperçois. Bonne journée.
Merci Clarence pour ta lecture et ton commentaire, bonne journée à toi aussi 😉
J’aime beaucoup cette façon de faire image dans l’image. Tu pourrais ajouter le lien vers tes textes ça permettrait de faire plus facilement le va-et-vient entre ces « gouttes » d’art et leur texte matriciel. Je te découvre et vais continuer à te lire avec plaisir ! Et merci pour les pistes que tu ouvres ça m’éclaire (un peu).
Merci Camille, oui, effectivement il faut que je trouve comment mettre le lien des textes; merci pour ta lecture:)