Quelquefois un homme qui marche sur une route
Quelquefois un homme une femme
Quelquefois un homme une femme qui s’immobilisent dans la lumière
— on assiste à leur rencontre dans un suspens des bruits et des respirations et on supplie pour que la vie prenne en ce peu d’espace entre eux comme une graine mise en terre, comme un feu qu’on prépare pour la joie
Une seule et unique fois une femme plus âgée qui paraît dans la cuisine
Quelquefois un animal figé dans un terrier
#26
Quelquefois un homme jeune en habits usés sales de poussière et de sang qui s’assoit sur un rocher ou sur le parvis d’une église, il a le visage en sueur
— il a déposé son sac à ses pieds et il est au bord de pleurer, il pense au chemin qu’il a parcouru depuis sa naissance, au froid qu’il a supporté, à toute la misère, la faim, le poids de l’absence, il est prêt à céder au désespoir mais il sait qu’il arrive au seuil de quelque chose de grand, il voudrait vieillir encore pour savoir ce qu’il en est de la survie ou de la mort, il comprend qu’il n’a pas été abandonné non, c’est seulement que les corps de ses père et mère sont partis dans l’obscur et il n’a gardé d’eux qu’une mémoire floue au bord des lèvres, maintenant il cherche un autre visage en guise de repère
#15
Quelquefois une femme qui écrit et qui monte au petit observatoire par l’escalier étroit de quinze marches, on ne sait pas pourquoi exactement ce petit bâtiment a été construit au sommet du coteau, tout le monde lui pose la question mais elle ne sait pas quoi répondre, personne n’a pu la renseigner
— profitant de la hauteur, elle envisage le paysage et les différents horizons, découvre au loin les fermes installées dans les vallons, c’est fou comme elle aime cette posture, sent combien le ciel prend de l’importance, combien elle peut entendre le chant lointain des coqs et les multiples craquements dans les bois proches, après elle note des choses dans son carnet, les courants de l’air, les forces invisibles
#13
Quelquefois quelqu’un qui a envie de pousser la porte qui apparaît dans le rempart des branches, une porte qu’il ou elle n’a jamais vue auparavant
— un chien rôde autour de la porte, la renifle, il perçoit comme un point de fusion, comme une chaleur derrière, un endroit condamné tenu au secret, une galerie qui s’enfoncerait sous la terre, mais qu’est ce qui pourrait bien se tramer là du mystère et de la magie des univers insoupçonnés
#23
En lisant ces textes. , je m aperçois de la spécificité de ton univers intérieur alimenté par le minéral, le végétal … j aime cette matière naturelle brute et sauvage à l origide du monde si bien mise en lumière au gré de l avancé des lectures de ces textes . Merci.
en revenir au commencement en effet, ce qui existe dans sa matérialité et dans sa poésie, peut-être cela le brut et le sauvage…
merci infiniment Carole pour ta fidélité (car il en faut pour pénétrer l’univers de quelqu’un au fil des jours, et aussi de la ténacité…)
Un univers c’est sûr! et j’aime beaucoup « quelquefois »
ce « quelquefois » est venu sans réfléchir et il procure un rythme à cette séquence qui ne serait sinon qu’une suite d’entrées en matière, du coup il m’a fait écrire très vite comme si je savais où j’allais…
très beaux ces quelquefois, on rentre comme dans un conte de nos jours, merci !
venus par miracle sans doute dans la quête de la cohérence de tout ce qui s’écrit depuis pas mal de jours
(merci pour ton passage, amie Gracia)
Moi aussi, j’aime beaucoup les « quelquefois » et partage tout à fait l’avis de Carole. Comme cette origine du monde créée par tes mots fait du bien à lire ! Merci !
décidément, je suis gâtée en commentaires… merci à toi Helena
je retiens tes mots comme guide : « une origine du monde »…
Je me rends compte que ces « textes d’avant » introduisent l’énergie des mots auxquelles ils renvoient, bien plus que l’histoire proprement dite. C’est comme ça que je l’ai ressenti et je trouve que c’est une façon originale d’entrer dans ton univers. Et cette pincée de « quelquefois » qui donne du liant.
c’est vrai que cette proposition a permis de dégager des lignes de force dans nos fragments accumulés depuis le commencement, de dégager l’énergie des sensations, voire des récits quand il y en a…
merci 1000 fois pour avoir exprimer ton ressenti…
Un peu la même impression que Jean Luc, avec quelque chose d’intense et précis comme si tu posais un doigt sur la peau de ton écriture. Et c’est une porte d’entrée pour lire ce qui n’a pas été encore lu.
(j’aime bien aussi le quelquefois)
merci Perle, d’être venue jusqu’ici…
des portes d’entrée, c’est bien le mot qui dit beaucoup…