#anthologie #27 | Potentiels

1) Ça la prendrait vers seize ans, cette femme, du moins la trace la plus ancienne daterait de ses seize ans, ça la prendrait comme de fuguer ou de faire du violoncelle, le besoin d’avoir un enfant. Il ne s’agirait pas d’envie mais de besoin viscéral, car d’emblée, ce qui s’aggraverait jusqu’à l’inéluctable mur des quarante-deux ans, d’emblée l’unique alternative au fait d’avoir un enfant serait le suicide. Dès ses seize ans, elle demanderait à l’homme du moment, un mineur émancipé occupé de survivre dans le monde des adultes, du gagne-pain, des femmes, de la drogue, un mineur devenu adulte par le juge, le décès de sa mère et le remariage de son père, largué sur les routes de France et d’Europe, mais beau , mais débrouillard et vigoureux comme on disait autrefois, de faire cet enfant par amour et pour conjurer la mort. Pour elle il s’agirait de survie, avoir cet enfant étant la seule garantie qu’elle aurait un attachement à vivre, attachement qu’elle devrait créer de toutes pièces, faute d’ attachement naturel familial, territorial ou spirituel. La mort passerait souvent très près, car elle la tiendrait à portée de main, facile à saisir, mais elle attendrait jusqu’à quarante-deux ans, ce serait très long, avant de mettre à exécution son projet de mort si celui de vie n’avait pas eu lieu. Il y aurait des rencontres, mauvaises, bonnes ou neutres,comme celle de Sara, le neutre étant en matière de chance le non quantifiable. https://www.tierslivre.net/ateliers/anthologie23-sara-la-noire/

https://www.tierslivre.net/ateliers/anthologie26-dans-la-crypte/

2) Nous, donc. Vous. La grenouille verte, les junkies de la soupente, les plantes parasites de la cathédrale, les avions qui emportent dans les îles des vieilles chairs à baigner dans de l’eau bleue, et ceux qui vont ravitailler les soldats aux creux des longues guerres de tranchées. L’éphémère vit deux jours sur le plafond, immobile, ses cerques pointés derrière elle en attente de reproduction, tandis que d’aucuns sillonnent Jérusalem à la recherche de traces et que madame fait défait et refait son testament sur son lit médicalisé.https://www.tierslivre.net/ateliers/anthologie19-animaux-humains/

3) La femme au regard gris, tailleur vert, aurait cherché le devenir sans savoir qu’il adviendrait malgré elle. Elle reste ancrée dans une chambre, devant un feu de bois, partout où il y a une cheminée il y a un ancrage, et pourquoi avoir supprimé les cheminées. Elle cherche la force d’une enfant de dix ans, du temps du potentiel, de la force à la sortie des contes, quand on a vaincu tous les monstres dans la peau des héros, quand on a déjà été homme femme sorcière fée soldat roi et qu’on n’a plus besoin d’ histoires mais d’un feu et d’une épée à forger.https://www.tierslivre.net/ateliers/anthologie21-apres-avoir-eteint-la-lampe-2/

A propos de Valérie Mondamert

J'anime des ateliers d'écriture dans les Alpes de Haute-Provence depuis dix huit ans, (DU d'animateur en atelier d'écriture en 2006, à Marseille), je suis prof de musique et je mêle avec joie les deux fonctions. J'ai publié des récits.

2 commentaires à propos de “#anthologie #27 | Potentiels”

  1. C’est très beau Valérie, ça donne envie d’en lire plus, beaucoup plus sur chacun de ces 3 textes ! Merci