#anthologie #25 | Odeur de tristesse

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Comment ne pas travailler sur les odeurs quand le sens de la vue est étranger à l’enfant (et à l’adulte) qu’est mon grand-père Henry . Donc, Henry  est aveugle et là , il va falloir chercher. J’aurai aimé qu’il me parle et raconte… mais rien , je ne l’ai pas connu…

Alors je me bande  les yeux régulièrement où que je sois, pour élaborer un monde olfactif…

Je relis le monde des odeurs  de Balsac, Zola ,Proust,   plus proche de nous , Claudel, Süskind, de Ryoko Sekiguchi …

Et la porte du tout est possible s’ouvre…

Quelle aurait été l’odeur de  toutes les vies qu’ Henry a menées, l’odeur de sa mandoline, de son violon, de son archet, de sa musique … il ne m ‘en reste qu’ une cassette-audio.

Alors je me pose un tas de questions et l’imagination est une magnifique usine à fabrication d’odeurs…

L’odeur de son lit , du lever au coucher, l’odeur de son intérieur, de son intériorité, l’odeur de sa femme, (ma grand -mère , jeune, adulte , mère, femme , femme en colère, femme battue par son aveugle de mari).

L’odeur de ses enfants, qu’il reconnaissait au parfum de leur peau.

L’odeur de ces amis musiciens, l’odeur des maisons, des lieux en pleine air  où ils faisaient danser des centaines de convives…

L’odeur des guerres successives de 39 et  d’Algérie…de la DCA (alerte bombardement)

L’odeur de la cave qu’on avait aménagée pour lui comme sa deuxième maison , tellement descendre se protéger au sous-sol pendant les alertes,  était devenu une routine…

L’odeur des  désillusions , de la violence, du sang, de la faim , de la peur…

L’odeur  du réconfort éphémère, de l ‘amour, de l’alcool de figue, de la cigarette, des cafés.

L’odeur de la dépression qu’on ne reconnaissait à personne …

L’odeur de l’argent,  même si l’ argent n’a pas d’odeur ….des pièces jetées dans son chapeau.

L’odeur âcre de la paille des balais de l’usine pour aveugle, où il était obligé de travailler pendant la guerre pour nourrir sa famille.  

L’odeur du sel et de la mer,  des coups de soleil

L’odeur du port d’Oran  du bateau ramenant des milliers de rapatriés entassés et pleurant de tout laisser derrière eux…

L ‘odeur du port de Marseille, l ‘odeur du débarquement des désespoirs…

L’odeur du nouvel appartement repeint à la va vite par Louiso pour accueillir toute la famille avec ses valises …

L’odeur de la capitale et d’une nouvelle vie …

L’odeur de l’ hôpital, de l’éther, du cancer, de la douleur

L’odeur de la peine de sa femme, de ses enfants

L’odeur du deuil… l ‘odeur du manque.

A propos de Carole Temstet

Née , à Paris en 1966 , professeure de français en invalidité depuis 20 ans , j 'ai fait des formations d'atelier d'écriture chez Bing et Aleph. Diplomée en Développement personnel et en Art oratoire , j 'aide aujourd'hui tous ceux qui veulent trouver leur voi-e-x par l'écriture et la lecture. Coach de vie et animatrice en atelier d'écriture dans les milieux scolaires et associatifs, j 'aide adultes et enfants à développer leur créativité et à y prendre goût au sein de l ' association Mots et Pinceaux à Nogent sur Marne. J'ai publié 2 livres à la Société des Écrivains , un premier roman intitulé "Hors sujet" et un roman pour la jeunesse à partir de 9 ans " Violon d'étoiles" illustré par mes aquarelles, dit par P. Calmon (acteur) et joué au violon par I. Scialom (violoniste). (lien à trouver sur Publibook.fr) site FB : Carole Temstet-Lévy-autrice J 'aime apprendre, lire et être lu, écouter et joué du piano, voir des expos et peindre...

8 commentaires à propos de “#anthologie #25 | Odeur de tristesse”

  1. quelle belle idée que de reparcourir le monde des odeurs autour de son grand père Henry et on te suit depuis le parfum de la peau des enfants à la dépression
    parcours jusqu’à l’odeur du deuil…
    bien à toi…

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