Ma chambre emplie de vêtements, lit, livres, cartes postales au mur ; une chambre simple, lumineuse, une chambre pour s’aimer et dormir. En dessous, la chambre de la voisine, peut-être un lit, des livres, des vêtements, une étagère, une lampe de chevet et des murs colorés, rouges, jaunes et dorés.
Sous sa chambre à elle, une autre voisine, silhouette vague que nous croisons dans les escaliers, traînant toujours derrière elle, un vieux caddie pas rapiécé ; sa chambre, sans lumières, son bordel, ses vêtements par terre et pas lavés.
Plus bas encore, ni voisin ni voisine, une chambre vide, un appartement désert, pas un grain de poussière ou seulement un seul qui se serait déposé dans la nuit ; pas de bruit, rien qui y vit, une chambre qui attend.
Plus bas encore, un sous-sol, des vélos, un couloir, des caves où s’entassent objets, livres, souvenirs, vides-greniers, secrets non avoués, cahiers de mots, trésors enfouis et cadavres non déterrés. Un interrupteur qui s’allume et s’éteint toutes les soixante secondes et qu’il nous faut actionner tandis que nous sommes entassés sous les décombres à chercher dans l’ombre le petit truc inaccessible et quasi invisible sur un sol loin si loin pour nos mains. Puis nous déplier nous relever et dans l’obscurité remonter tout là-haut nous mettre bien au chaud. Mais ce que nous ignorons, c’est que toutes les nuits, en secret, une, deux, trois silhouettes se faufilent entre les murs froids, s’installent sur les selles de nos vélos et pédalent à toute allure, avant d’aller ouvrir les portes de nos caves, fouiller, lire et découvrir le monde de là-haut, à travers nos vies.
Là-haut, tout dort.
Ici, tout est éveillé, tout parle, tout vit mais lorsque l’aube surgit, tout le monde s’enfuit.
Plus bas encore, la terre molle, la terre qui se creuse en des couloirs interminables, habités par de petites pièces, si petites mais longues, noires et hautes où seule une personne, similaire à une créature de Giacometti, peut s’y tenir debout. Et, ici et là, au dessus des têtes, pendent de toutes petites guirlandes de lumières munies de minuscules ampoules rondes dans lesquelles sont enfermés des êtres tout petits, si petits, aux corps coincés derrière les parois de verre, qui s’allument et s’éteignent sans relâche, jusqu’à ce que l’homme maigre et solitaire vienne les remplacer, avant de s’éloigner.
Plus bas encore, des souterrains et des tunnels qui mènent loin, plus loin encore ; des tunnels dans lesquelles nous tombons tout le long d’une terre faite de glaise, une terre qui ne nous salit pas, ne nous tâche pas, une terre qui ne nous fait pas de mal où nous glissons sans peur et sans regrets, bercés par la terre enveloppante qui caresse nos peaux et lave nos maux, une terre qui fait disparaître nos rêves non réalisés et console nos tristesses ; une terre qui essuie nos corps, cabossés, usés et fatigués, par le monde de tout en haut.
Plus bas encore, un espace vide mais pas un vide effrayant, pas un vide qui nous glace le sang ; non, un vide lisse, épuré, sans accrocs, sans malice, un vide qui nous délivre. Nous devenons vastes et libres, heureux et ouverts, aimants et en paix. Et, comme une première fois, enfin, nous renaissons.
en hâte de parvenir au soubassement ultime où tout se lisse et s’épure, où tu nous fais » renaître »
où « nous devenons vastes et libres »
(à savourer encore ton dernier paragraphe)…
Merci Françoise, j’ai eu du mal avec ce texte, je ne sais pas pourquoi, j’avais le sentiment de ne pas me laisser aller et d’être dans des images clichés. Entre nous, je ne l’adore pas mon texte mais ce n’est pas grave parfois c’est bien d’avoir du mal à écrire quelque chose qui ne nous inspire pas ou que l’on ne saisit pas au moment de… Merci pour ta lecture, baisers.
Merci pour cette descente fantomatique dans nos abysses qui reforme une boucle;)
Merci Nolween, difficile pour moi cette consigne mais ce n’est pas grave. A tout bientôt dans nos écrits.
Quel beau texte avec ses contrastes entre le monde du haut où tout dort et le monde du bas où tout est éveillé !
On lit très vite le monde du bas happé par le rythme, le vide, « mais pas un vide effrayant, pas un vide qui nous glace le sang ; « … beaucoup aimé tout le dernier paragraphe, on rêve d’y aller.. merci Camille !
Désolée Clarence, pour l erreur de prénom impossible de corriger…
Pas de souci pour le prénom, cela m’est déjà arrivé ! Merci pour votre regard Isabelle, effectivement étrange d’avoir vu de la lumière vers le bas plutôt que vers le haut, peut-être les évènements actuels qui donnent une fatigue de notre là-haut. Bonne journée.
…. oui étonnantes similitudes entre nos deux textes!
et ces petits êtres dans les ampoules… quelle métaphore
et cette idée des silhouettes qui pédalent!! j’ai aimé ce texte, vif, qui donne à voir loin très loin derrière chaque mot ou presque, merci!!
Ah ! je vais aller voir et t’en reparler, à vite.