(J’ai repris quelques extraits du texte publié en 2021. Ils sont en italique. Et j’ai écrit en écho ou dans leur ombre.)
Tout n’est rien. Cette phrase insidieusement glissée dans l’esprit pendant des années, écrite en lettres rouges, par le père, face à la porte d’entrée dans la maison de famille, si simple à mémoriser et à marquer l’esprit, image au fer rouge tatouée sur la peau. Quand une sentence est un nid où l’on est assigné.
sur une place un dimanche soir d’hiver, des marrons chauds dans un cornet de papier journal, la chaleur au bout des doigts. Rien de grand. Rien d’extraordinaire. Une main chaude en somme glissée entre mes doigts..
le long couloir sombre au bas de l’immeuble de trois étages, le cœur qui bat trop vite, les escaliers montés quatre à quatre. Les peurs de l’enfance, toujours prêtes à resurgir. On les voit encore les rats qui se faufilaient vers les caves. On les sent encore les battements de cœur qui s’accélèrent. En moi, ces tunnels sombres à traverser.
sous la table, « Le club des cinq« entre les mains, la vie tout autour bien réelle, se sentir en sécurité. Et tout n’est pas dit; car la mère au-dessus de la table préparait une tarte aux pommes en chantant un air d’opéra. Vouloir garder cette image encore et encore.
face aux autres, les regarder, soupeser l’épreuve, abandonner les feuilles de l’exposé sur le bureau et sortir de la classe. Cette image, on voudrait bien la rayer des arcanes de la mémoire, mais elle refait surface, comme un trousseau de clés que l’on agite dans la poche.
il y a quelque chose d’un cloître dans ce jardin d’enfance où l’on n’en finit pas de tourner, de laisser ses pensées vagabonder.Et des ombres me suivent désormais, et alourdissent les épaules. Et c’est ainsi que les ombres me parlent et s’insinuent dans mes mots.
il y a quelque chose qui apaise la main qui caresse l’écorce en un geste rituel, – qui bénit qui – une sorte d’échange entre peaux blessées. La main posée avec tendresse sur l’arbre. La sève dessous qui ne se voit pas.
près d’une rivière, cadrer ce qui se noie, un reflet, une lumière, un songe, ne plus voir que ce qui se donne. Capturer la lumière pour les jours d’ombres, s’inspirer de son audace. La refléter à son tour.
là, dans une ruelle de Venise, la main posée sur un crépi qui s’écaille, sentir les battements de la vie. C’est presque la langue qui se craquelle là, presque une source, pourquoi pas des entrailles.
le premier regard échangé avec un bébé qui vient de naître,sa main dans la mienne, manina bella qui se murmure, d‘une grand-mère à une grand-mère toute nouvelle. Les légendes se perpétuent, les mots se transmettent, et ce premier regard plein de larmes de joie. L’image de la chaîne de la vie.
comment capturer ce regard flou posé sur des bouts de pas grand-chose. Égarée en soi, affronter le blasphème du dehors; mais le bonheur d’être soi.
Tous ces riens qui font un tout. Cette cartographie des ombres en strates, en courbes de niveau qui bâtissent un squelette. Si d’autres images mentales s’étaient inscrites en moi, serais-je quelqu’un d’autre?
jeu d’ombres et de lumière…l’arbre qui nourrit…la chaleur sur des mains blessées..subtils contrastes sur une vie qui se dit avec beaucoup de pudeur. merci!