Souvenirs de montées pour admirer la ville, embrasser le monde lointain et sentir le cœur battre dans la poitrine. Grimper sur des marches d’escaliers raides jusqu’en haut d’un clocher gothique de Vienne ou d’un dôme cuivré à Berlin ou d’une tour à peine finie de la Sagrada Familia. Monter sur des arbres ou des montagnes ou encore des dunes pour voir plus loin, plus haut, plus fort. Vaincre les falaises de Mourèze pour un point de vue époustouflant sur le Salagou. Se laisser porter par l’horizon
Souvenirs de la mer, la Mer adriatique, la Méditerranée, l’Océan, la mer étale qui brille au soleil, la mer qui bouge, envoie les vagues d’écume lécher le sable, la mer qui tempête, s’impatiente, renverse, qui inquiète et qui fait envie
Bouger. Marcher à travers la ville, en toile d’araignée, pour vibrer avec son âme, courir dans les prairies pieds nus, respirer les forêts, goûter les vignobles, suivre les sentiers ensablés dans le désert, sentir son corps résister, découvrir des rythmes nouveaux
Danser. Valser. Photo d’une jeune fille en robe de bal, robe blanche, longue, bretelles fines, décolleté discret, les yeux brillent d’une attente joyeuse … au son de la musique… sous des lustres étincelants…valser, tourner, s’étourdir en faisant virevolter la jupe longue, flotter au-dessus du parquet ciré, sentir son corps dans les bras de son cavalier, danser jusqu’au bout de la nuit…souvenir merveilleux et mélancolique…envié par mes petites-filles…
Lire depuis mon plus jeune âge. Pas de photos, mais des livres, des présents pour Noël, pour l’anniversaire, des emprunts, bibliothèques, librairies, archives, des livres à traîner partout dans le sac, à lire dans le tram, dans un parc, sur une plage, sous un arbre
La musique encore, écouter les sonates, les arpèges, les valses, les concertos, jouer du piano avec envie et conviction. En témoigne une photo prise lors des concerts obligatoires de fin d’année, une adolescente assise sur le tabouret en robe bleue, penchée sagement sur le clavier, sérieuse, les nattes descendant le long du dos, les doigts agiles appliqués, tout en concentration et recueillement, obligée et heureuse d’y être. Heureuse de ces moments de l’enfance, recréant plus tard ces émotions en achetant un piano, en reprenant les partitions, en retrouvant le savoir-faire, le perdant avec le temps qui passe, ce temps qui a d’autres priorités. A reprendre encore, les partitions sont là, le désir aussi, reste à trouver l’énergie et la volonté…
Les couleurs aussi, la peinture découverte sur le tard, déjà adulte, les rouges coquelicot, les mauves et les fauves, les soleils de Turner et de Van Gogh, la joie des coups de pinceaux, des craies soyeuses, du fusain puissant et des couleurs délicates de l’aquarelle, contrainte merveilleuse de l’apprentissage, bonheur du tableau réussi
Les odeurs senteurs émois des herbes, des épices, du paysage provençal, du maquis sauvage, basilic romarin sauge paprika cumin thym coriandre, la reine lavande et l’helichryse, de la mer iodée et de la chaleur qui fait trembler l’air…
Les rencontres, les échanges, les grandes tablées dans le jardin, les dégustations, les fous rires, les mots qui fusent, les langues qui se déclinent, se mélangent, s’apparentent, un grand chaudron de fraternité et d’amour
Et parfois un peu de mélancolie, de « il était une fois » et pourtant continuer à déguster la vie au mieux le plus longtemps possible…