#anthologie #18 | pour voir

L’album de famille: Celui à la couverture épaisse, rebondie, de couleur jaunâtre qui commence avec une photo de couple des parents, juste avant leur mariage et sur lequel suivront, en noir et blanc au début, puis en couleur dans les albums ultérieurs, le résumé de leur vie, et le début de la nôtre, les enfants. Des scènes de lumière fixées à jamais dans la mémoire.

les photos d’identité: celles collées chaque année sur le carnet de correspondance, où se voient, chronologiquement, le mûrissement du visage de la sixième à la terminale, les coupes de cheveux successives, le changement de lunettes, le visage qui se referme, et le regard qui prend de la hauteur, à mesure que j’affronte le large.

les photos de vacances: lorsque l’on s’éloigne du giron familial et que le père nous prête son petit appareil Kodak, avec maintes recommandations — c’est lui qui fait les photos dans le cercle familial — et il nous passe une sorte de relais, comme en littérature.

les photos de magazine: les centaines de photos découpées dans des revues, des paysages, des détails de nature ou d’objets, des silhouettes ( souvent de dos), des reproductions de tableaux, pour élargir le monde où l’on ne va pas trop…

mon premier Lumix: reçu quelques jours avant la mort de la mère, et mes réelles premières photos seront celles de son visage et juste à peine ses mains..

les photos de détails: des écorces par centaines, des reflets sans compter, des morceaux de bois, des lignes horizontales verticales en diagonales, des traces sur le sable, des lichens, des silhouettes toujours de dos — n’aimerais-je pas les visages —, des couchers de soleil, très bien ratés, des feux d’artifice flous à souhait, des fenêtres — que se passe-t-il derrière les fenêtres —. Comme les plus belles pages d’un livre, ou les citations que l’on recopie dans de petits carnets.

les photos du téléphone: il dit qu’il y en a 2931 . Des photos prises dans des musées, des bouts de rues, des graffittis, des objets aperçus dans des brocantes, quelques auteurs dans des lectures (Valérie Rouzeau, Pierre Michon, Antoine Emaz…) quelques amis, et depuis trois ans mes petite-filles, sans fin. Parce que c’est grandir avec elles, et participer à leur ailleurs.

mon Lumix bridge: que j’emporte les jours de vraies photos, lorsque je veux n’être que dans l’acte de photographier, le long d’une rivière bordée d’arbres d’automne, la traversée d’une forêt, sur un seuil…L’usage n’est pas le même que le téléphone; il demande une réflexion, une mise en disposition, comme lorsque l’on se met face à l’écran d’ordinateur pour un temps consacré à l’écriture. On pénètre une autre sphère dont on a toujours du mal à revenir. Et le geste de la main qui fait tourner l’objectif pour rapprocher, ou pour se focaliser sur un détail. Comme un mot écrit en majuscule.

Des photos: pour le lien — pour la mémoire — pour la trace — pour l’équilibre — pour le doute — pour le chemin — pour un dehors — pour un dedans — pour une transparence — pour le flou — pour les ombres — pour la surprise — pour voir — pour rêver — pour écrire —

A propos de Solange Vissac

Entre campagne et ville, entre deux livres où se perdre, entre des textes qui s'écrivent et des photos qui se capturent... toujours un peu cachée... me dévoilant un peu sur mon blog jardin d'ombres.

3 commentaires à propos de “#anthologie #18 | pour voir”

  1. Pareil, j’aime beaucoup ce dernier paragraphe et comme façon d’épuiser le sujet. Bien vu les photos d’identité pour voir évoluer, grandir (un montage photo à Arles, composé de séries de photos d’identité à divers âges de la vie du frère, comme une composition qui se répète en écho à ce texte)

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