Depuis longtemps elle s’est arrêtée de parler, déglutit à peine, le moindre mouvement lui paraît hors de forces. Simplement assise sur la chaise face à la fenêtre, mains posées dans le tablier.
Il se demande ce qu’elle peut regarder comme ça. Les arbres, le paysage, la pluie qui glisse au long de la vitre. Il y a de la peur et de la folie dans ses yeux. Et puis il faut attendre pour savoir vraiment, tu ne crois pas ? Tu ne dois pas t’abandonner au désespoir. Il ne sait pas comment on dit désespoir dans sa langue à elle. Un sursaut reste possible, il faut à tout prix qu’elle réagisse, il faut qu’elle mange quelque chose. Viens t’asseoir près de moi, viens, tu veux bien ? Il s’agace qu’elle ne réagisse pas, qu’elle refuse tout de lui. Il voudrait la secouer mais il n’ose pas, il a peur soudain qu’elle se laisse mourir, refuse de respirer, de s’alimenter, et il ne sait pas comment faire pour la sortir de là.
On dirait qu’elle s’est tassée un peu plus sur la chaise, une compression verticale du corps, la courbe du dos plus prononcée, la tête penchée à cause des larmes. Il ne connaît que le mot amour, il le connaît même en plusieurs langues. Il le lui dit, le lui répète comme un doux secret. Il voudrait lui donner davantage pendant que l’enfant dort, leur enfant qui ne grandit pas, qui ne parle pas, qui ne se tient pas sur ses jambes, et il le sait, il faudra bien que ça éclate, que la tempête vienne, que les mots soient posés sur le mal dont il souffre parce que si on savait, on pourrait le soigner, le soulager, ah je voudrais tant, je voudrais me dépouiller, tout donner, même me couper un doigt, le bois de la chaise est brun de la couleur de la cire, il n’a pas assez de mots, il la soulève de la chaise, la prend contre lui, l’enserre de ses longs bras, essuie son visage, enfant amour amour ensemble tenir
.. je viens de publier mon texte et je découvre le vôtre juste en dessous… p
…même le clavier m’échappe des doigts… pas de mot. si juste un, merci.
Bouleversant, poignant de tant d’amour.
Merci Françoise.
Si beau Françoise, les mots si justes ! « que les mots soient posés sur le mal dont il souffre » Merci !
merci pour vos passages, Eve, Marie, Helena
j’ai hésité à le publier, n’étant pas sûre d’avoir compris l’exercice (je sors de trois jours d’absence) et trouvant mon texte peut être un peu juste, pas assez fouillé…
alors merci tellement pour vos lectures ! sans doute ne faut il pas plus de mots…
Très beau, très « suscitant », disant mais sans trop. On est dans une atmosphère un peu floue que j’aime beaucoup.
Au coeur de l’expérience humaine, solitude à trois, détresse, mais quelqu’un qui l’écrit. Merci Françoise.
oui c’est bouleversant… je trouve comme Solange quelque chose d’un peu flou dans cette atmosphère (ou brouillé entre tous ces sentiements/sensations) mais en même temps il y a toujours un aspect très concret, très puissant dans ton écriture. Merci Françoise