Il y a de l’artifice sur son visage, non pas le maquillage mais autre chose, une ride mal placée qui, quand elle tourne et se retourne, semble avoir migré un peu plus bas ou un peu plus haut, en tout cas n’est plus exactement au même endroit. Sa bouche tremble un peu quand elle regarde l’heure accrochée au mur. Les aiguilles avancent, au rythme de cette ride qui s’agrandit au point de devenir crevasse.
Elle ne veut pas être là. Elle ne bouge pas, fixée presque sur son siège, fixée presque pour être un objet, une colonne à côté de leur table, une plante verte dans un pot qui ne voit la lumière que très peu, en fin de matinée quand il n’y a personne devant la vitre. Elle regarde un point fixe derrière le visage à ride, ne regarde pas dans les yeux sinon il y aurait un torrent, et sans doute la terre se noierait. Elle fait comme si elle n’était pas là, à regarder machine, à sortir mécanique quelques mots d’une bouche qui est la sienne mais qui s’est détachée d’elle, automate.
Elle tapote ses vieux doigts jaunis sur la table. Deux petits coups secs. Elle veut fumer, elle veut l’addition, elle veut partir, elle veut attirer l’attention, elle veut quelque chose, en tapotant comme ça et en la faisant sursauter. Elle dit son pouvoir encore, là, en tapotant, en rappelant qu’elle peut frapper encore. Qu’elle en a cette force. Et ce désamour. En face, elle se raidit dans sa raideur. Ce sera la dernière fois.
La ride devient un rictus nerveux au coin de la bouche déformée. Le silence est glaçant. Les aiguilles sont tombées de froid. La plante a soif. Elle veut le jour. La table agonise de rancœur et de dégoût.
Cette attention aux détails qui fait tout..un régal ce texte!
Merci pour la lecture et le commentaire Marie-Caroline;)