ils se promènent à deux pour se donner du courage. C’est ce que pense le premier qui suit le deuxième de près. S’il était honnête, il dirait que le deuxième est un peu plus courageux. Il a décidé ce soir de jouer à l’instinct et il s’y tient. Il passe de la paillote à la plage, de la plage au buffet, du buffet à la piste de danse – il n’y reste pas longtemps – il passe en funambule et l’autre le suit dans ses rencontres, perché en volatile sur son dos de reptile. C’est confortable pour lui, là. Il n’a pas grand-chose à dire, il attend patiemment que l’autre se jette dans le bain avec héroïsme. Il en faut pour parler plus fort que la musique, trouver la bonne formule, le beau geste, un geste dévoué, un sacrifice presque, pour eux deux Il fait tout le travail, le volatile le sait. Il boit une gorgée de vin chaque fois qu’il en a honte. Chaque fois le croco lui tire le bras sans même le toucher, il a repéré quelqu’un, on va la voir, mais qui ?, et ben
elle est de celle qui se déplace comme en son royaume et s’étonne à chaque fois qu’on l’aborde en ouvrant grand les yeux, comme si la chose était inconcevable. Le premier prend ça pour de la crainte et la rassure avec ses armes du moment. Il met des cigales dans sa voix et articule sans jamais cesser de sourire. Il dit combien il ne veut pas séduire en lui montrant ses mains vides, combien c’est amical, il voulait juste se présenter, les présenter, lui parler de leur travail. Elle le regarde s’agiter en hochant doucement la tête. Il va l’intimider, c’est l’autre qui le pense. Il en fait trop et elle va partir, ça se voit. Elle pose des questions comme on jette du pain à des canards – ce n’est jamais pour ça qu’on est venu au parc. Et ça consiste en quoi exactement ? Le croco se répète et commence à boire la tasse avec ses détails et l’autre, le volatile,
il est en train de comprendre ce qui leur arrive. Mais ça consiste en quoi ? Je n’ai pas bien compris. L’autre répète les choses, tourne ses mots de toutes les manières. À force, son sourire ne ressemble plus à rien, un brouillon de peau. Il perd son souffle et elle, pose toutes ses questions sur le même ton guilleret, agaçant de naïveté. Et c’est à force de les entendre, ces questions, presque à l’identique, et qui reviennent, que le doute s’installe chez l’un, elle s’amuse avec nous, mais pas chez l’autre qui palabre encore et encore, jusqu’au bégaiement, jusqu’à perdre le match avec la musique, quand elle est bonne bonne bonne. Le piège est pour eux, ils sont en train de se faire croquer, là, par une bestiole plus grosse qu’eux. Quand il se tait enfin,
elle le regarde sans un air de surprise. Il cherche déjà la formule pour sortir de tout ça vivant mais elle renverse la vapeur, comme ça, d’un seul coup, les achèvent, tout les deux, d’un seul coup de mâchoire. Et vous passez une bonne soirée ?
ah oui.. quand la musique est bonne… tout est possible!!! Merci pour avoir » croqué » ce tableau comme un funambule, on ne sait pas s’il va arriver au but ou s’il va tomber. la chute est… bonne bonne bonne. Merci !!
dieu de dieu, parler de leur travail ! le croco c’est sûr va finir en sac à main !