Londres est une pieuvre. Qui étend et ramasse. Quand elle s’engouffre dans son métro, elle suffoque. Dehors, rien de la grande ville habituelle, c’est bas. Sans doute pour le brouillard, pour être à ras et continuer d’y voir. Tête à la Tamise. On y respecte les maisons alignées qui se ressemblent, faites pareil, avec le sous-sol des domestiques où on vit avec une fenêtre à barreaux. Colonial et victorien. Tradition des pubs sombres et des marchés colorés. Les odeurs de gras. Les enseignes du siècle d’avant. Les gens d’aujourd’hui. Attrapés par la pieuvre qui les emmène plus loin. Londres est à qui peut.
Un empereur pourrait surgir d’un coin de rue que ça ne serait pas si étrange. Rome est une ville pleine. Où chaque recoin est utilisé pour un mur, une fontaine, un mausolée. On détruit autant qu’on bâtit. On pourrait marcher sur une poterie ou sur un os. Le monde est en son centre. Près du forum, il est facile d’imaginer le bruit des roues des chars, ou près du Colisée les cris d’une foule qui, dit-on, veut du sang. C’est dense et compact. On pourrait découper la ville et son sous-sol et la déplacer telle quelle, rien ne bougerait. Tout est soudé.
Un Belge a dit en arrivant à Conques : « C’est la ville d’Harry Potter. » C’est vrai. Elle est une façade. Il n’est pas certain que toutes les portes s’ouvrent sur une pièce. Il n’est pas certain qu’elle ne disparaisse du jour au lendemain comme une cité maya. Quand il pleut sur elle, ça fait écho. Elle est en descente et en montée, creux d’une vallée où des pèlerins boivent des bières d’un litre et demi dans des verres qui ont la taille d’un vase. Elle est la ville d’une heure ou d’une nuit, la ville des adieux et des retrouvailles. Elle fait tout pour que ça fasse vrai.