et elle va en voiture sur la route en direction de cette maison je veux dire de cet appartement où il y a la photo du cadre au collier ivoire je dis au collier parce que je ne sais pas comment dire , c’est une sorte d’encadrement ouvragé avec des grosses perles ivoires de la plus petite à la plus grosse le fond est un aplat gris on distingue très clairement les traits du visage figé de ce grand-père inconnu qui a cependant un air un peu sévère pour une petite fille de huit ans qui ne comprend pas très bien pourquoi il porte des lunettes noires qui le mettent tout le temps dans la nuit Mais il faut d’abord regarder la route qui mène à l’appartement car les yeux ça sert à conduire et quand quelqu’un devait le conduire en voiture ou à pieds avec ses lunettes noires il ne devait rien voir du tout se dit la petite fille ni le printemps ni l’été ni l’hiver ni l’automne Mais dans son pays chaud il n’y avait que deux saisons pour les couleurs qu’il ne pouvait pas voir ça simplifie les choses Il lui restait surement les odeurs et là c’est un monde qui s’ouvre Elle va jouer à identifier les odeurs sur la route qui mène à l’appartement puisque si elle s’approche de lui elle ne le verra pas il ne la verra pas elle sentira seulement particulièrementuniversellementaffectivivement Reprendre sa respiration pour se concentrer sur les odeurs de route, l’essence et les pots d’échappement, la pollution, la traversée d’un petit marché aux fleurs qui reste ouvert même très tard magnifiques les roses les lavandes les hibiscus et les iris embaument une splendeur de couleurs olfactives et elle pense à l’odeur de sa mère et de son RogeretGallet quand elle l’embrasse la prend dans ses bras à son arrivée et elle pense aux champs de lavandes quand elle descend dans le midi amoureusement ou que sa mère étend son linge en plein air sur la terrasse où tout sèche en deux minutes Elle stoppe il y a un camion poubelle c’est vrai c’ est lundi soir les hommes en gris vident les poubelles vertes des restes du week-end des fêtes attablées remplies de salades et de barbecues de viandes et de sardines parce que ça coute moins cher le tout mélangé s’ il commence à faire chaud à cause du réchauffement climatique on a gagné deux degrés de trop il fait très chaud que dirait-il enfermé dans son costume et la gorge serrée dans sa cravate s’il était dans sa voiture à elle, à ce moment précis il se boucherait le nez en riant elle ne se l’imagine pas rire du tout alors elle le ferait rire en lui disant attention il faut que se boucher le nez… ils riraient bien… il sentirait les vapeurs de chaleur du soir remonter sur son visage , il l’attendrait sur le balcon de l’ appartement où il y a sa photo d’artiste et jouerait du Oud , aux cordes si douces que les sons la berceraient jusqu’au lever du jour
2 commentaires à propos de “#anthologie #11 | Dernier enregistrement (2)”
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ça y va… chouette ce passage au conditionnel Merci
..on en a plein les narines et c’est bon en ce printemps qui se prolonge. Et « l’odeur de sa mère »…oui elle est là… merci!