#anthologie #10 | Juan/Jean

Il a 50 ans quand il s’adresse au président de la cour électorale de la République à Montevideo pour faire une demande de citoyenneté, la sienne étant périmé, il vit alors en Alsace dans le département du Haut Rhin. Il a 17 ans quand ses parents se marient, trois mois plus tard son père meurt à 44 ans des suites d’une pneumonie à Montevideo en Uruguay. Il a 18 ans quand il entame son service militaire dans la Marine, il y restera 4 ans, envoyé à l’école navale, il y suivra une formation de machiniste, le 27 janvier 1926 il a passé devant la Capitainerie Générale du port ses examens qu’il a réussit et a ainsi obtenu le titre de machiniste naval, il a navigué sur le transporteur uruguyen « Salto ». Il a passé son enfance et sa jeunesse en Uruguay et a obtenu la nationalité uruguayenne le 13 juillet 1925. Son père était né en 1876 à Chios en Grèce.

En janvier 1928, il rencontre celle qui allait devenir sa femme à Paris, une alsacienne qui était couturière dans une famille brésilienne très riche. Ensemble ils auront 6 enfants, un premier garçon mort un mois après sa naissance, ils vivront toute leur vie en Alsace mais en 1938, à l’approche de la guerre ils s’installent à Rougemont le Chateau, village frontière avec l’Alsace. Je suis plongée pour la première fois dans le texte écrit par ma cousine dans le cadre d’un mémoire d’ethnologie en 1995 qui tente de comprendre l’histoire de cet homme silencieux qui s’est peu livré au cours de sa vie. il a émigré de fait, il est resté un étranger toute sa vie, il a été un pêcheur à la mouche, en 1965, dans sa maison de vacances au bord du Dessoubre, il fabriquait minutieusement des fausses mouches, grand pêcheur, il a nourit sa famille et lui a permis de vivre grace à la vente des produits de sa pêche pendant la guerre, il a aussi fait partie des FFI et a accueilli des réfugiés. Début de soirée, feuilletant les pages du mémoire, je redécouvre des morceaux de vie de cet homme qui fut mon grand père, tant de questions en suspend et je pense à tous les étrangers de notre pays qui ont fait la France. Il a demandé sa naturalisation française en 38/39 sans jamais l’obtenir, en 1970 il est décédé.

A propos de Caroline Burgy

Lire, écrire, faire écrire, trois mots, marqueurs de ma vie, animatrice d'ateliers d'écriture, ils ont jalonné ma vie depuis quelques années, des rencontres avec quelques passeurs m’ont donné l’occasion de soutenir cette place avec les autres. Marguerite Duras écrivait "l'écriture c'est l'inconnu. Avant d'écrire on ne sait pas ce qu'on va écrire..." sans doute suis je portée par cette part d'inconnu à découvrir au fil du temps...

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