Ce jour là, j’ai décidé de ne pas faire ce qu’il attendait de moi, son aîné, je devais obéir et -par dessus tout- réussir au delà de ce que lui n’avait pu atteindre, qu’importe si je n’en avais pas les capacités, car quand on veut on peut… mais d’où venait cette maximum stupide qu’il me répétait lorsqu’il avait quelques instants à accorder à mes résultats scolaires, instants qui se terminaient systématiquement en engueulades mais pas plus car avec les années je le dépassais d’une dizaine de centimètres et cela avait suffit à tempérer ses volontés de réprimandes physiques, il se contentait donc de cracher une maxime bien sentie -quand on veux on peut – puis de bouder et ne plus m’adresser la parole pendant plusieurs jours, ce qui me convenait tout à fait, je me contentais de mon côté de ronger mon frein en attendant de passer mon bac et de pouvoir partir rejoindre Marlène, ma dulcinée restée à Nice que nous avions quitté au mois de juillet précédent sur une décision soudaine prise par mon paternel qui tout à coup ne supportait plus le sud et voulait rejoindre sa terre natale la Bretagne, il avait postulé à Rennes sans prévenir personne et nous avait annoncé la nouvelle quelques jours avant le déménagement, depuis j’ai cru comprendre que maman n’avait été prévenue qu’une fois confirmé le nouveau poste de Papa qui étant le chef de famille était persuadé de pouvoir décider tout seul de notre lieu d’habitation; ce soir là je l’ai haï plus que toutes les fois où il donnait son opinion sur Marlène, j’étais trop jeune, elle n’était pas assez réservée, elle n’avait pas d’ambition, elle me tirait vers le bas, à cause d’elle je ne travaillais plus assez au lycée et mes notes de mathématiques, de physiques étaient catastrophiques si je ne me reprenais pas je ne pourrais pas intégrer l’école d’ingénieur de Brest – son rêve raté- pas une seule fois il n’a pensé que peut-être le déménagement du Sud vers l’Ille et Vilaine pouvait m’avoir perturbé au point de me dégouter des études; ce jour là ou plutôt ce soir là il est rentré à la maison avec en main une grande enveloppe qu’il portait comme le Graal, il me l’a tendue tout en précisant que je n’avais plus qu’à remplir le dossier et à l’expédier d’ici la fin de la semaine à Brest… Brest- Nice difficile de faire plus éloigné, de toute façon je n’avais aucune chance d’être admis dans cette école, je n’avais aucune envie de suivre ces études d’ingénieur, je ne savais pas encore ce que je voulais faire mais je savais déjà que cela je ne le voulais pas, je voulais être avec Marlène c’est tout, elle était inscrite à Lyon, j’allais l’y rejoindre, le dossier je ne l’ai pas rempli, la lettre de candidature est partie avec un dossier vide mais extérieurement , dûment scellée, elle pouvait convenir à mon père qui se fit un plaisir de la poster – sans vérifier son contenu- et qui regretta longtemps que son fils unique ait raté comme lui l’admission de cette école du bout du monde.