Ma chambre : un wagon lit. Quand je suis assise sur mon lit, je vois l’enfilade du couloir desservant la salle de bain, la cuisine, la porte d’entrée, jusqu’aux deux fenêtres du salon. Mes parents passent d’une pièce à l’autre, ou plutôt des tranches de darons. A leur arrivée, enlevant leurs chaussures et rangeant leurs clés, ils s’inquiètent de ma présence jusqu’à ce qu’on passe à table. Même plus besoin de lever le nez, les grincement du parquet suffisent pour savoir qui passe, j’entends même les coussinets et les petites griffes de Craquotte sur le bois. Allongée sur le lit, je plonge direct sur les fenêtres des voisins en œil de bœuf . Des fragments de voisins, des mains qui épouillent une plante en pot, un abat jour qu’on allume, leurs visages qui dépassent de la fenêtre pour regarder en bas, comme des têtes sculptées de la Renaissance. La coulée d’une rue nous sépare et le ciel entre les deux rives. Ma tête de lit bateau s’appuie sur une ancienne porte de service condamnée, une porte en fer avec verrous et chaînette, peinte en blanc de la couleur des murs pour se faire oublier. De toute façon, elle est cachée par une tapisserie. C’est juste quand on a besoin de l’escabeau qui est accroché dessous qu’on la voit. Aujourd’hui, je suis rentrée plus tôt à cause de la grève. J’écoutais à fond dans mon casque l’Anamour : aucun boeing sur mon transit je cherche en vain la porte exacte, je cherche en vain le mot exit, c’est là que j’ai buté sur l’escabeau par terre, mon lit avait été déplacé, la porte de service baillait . Me glissant derrière le lit, j’empruntai un escalier étroit pour déboucher sur une rotonde donnant sur les toits de la ville. Par terre un sac de couchage et des objets perdus dans la maison. Je surprenais un dormeur sans doute descendu. La peur est montée après.
8 commentaires à propos de “#anthologie#08 la porte exacte”
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Beaucoup aimé la description de la chambre-wagon lit. Souvent le fantastique se déguise de réel pour mieux nous surprendre. Ici, le réel se travestit de fantastique et l’insolite jaillit autrement. Merci, Hélène pour ce beau texte 1
Merci, c’est vraiment l’image de la chambre wagon lit qui m’a servi de déclencheur. Je suis contente qu’elle puisse vous entrainer aussi.
Impermanence…c’est le mot qui me vient, du wagon lit qui fait défiler les paysages à l’escabeau qui permet de monter… plus haut que les toits peut-être. Votre texte me va droit au coeur ce matin…merci
Je découvre en vous lisant une symbolique que je n’avais pas vue. Merci
J’adore : « des fragments de voisins » … la porte de fer même peinte en blanc en tête de lit ( wagon lit lit bateau escabeau ) .., la succession des espaces, en long, en plongée, en montée et tout nous fait doucement glisser dans monde dans l’autre . Merci
Je suis contente que les images opèrent et qu’on pusise se projeter dans ce fragment retrouvé.
Scène très cinématographique: on voit très bien les différents volumes, en entend les sons de la famille ( » les grincements du parquet suffisent pour savoir qui passe », c’est tellement vrai que chacun a sa façon sonore d’habiter un même endroit! )et la musique, puis on rejoint par le fantastique ce qui pourrait être le réel de l’extérieur. Merci beaucoup!
Merci, la bande son du fragment m’a permis de trouver la porte.