#anthologie #08 | C’est mou

C’est mou. Même les livres qui sont devant sont mous. Ils coulent. La poignée derrière est visqueuse, reste collée même de loin. Tout est fait pour dissuader. Tu n’iras pas. Est-ce que je dois y aller ou attendre que quelqu’un vienne. Toc toc toc. Silence. Le mou se fige en attendant mon signal. J’attends qu’on me dise si cette porte est une entrée ou une sortie. J’attends un indice parce que les faits : ma chambre-pièce-salon, mes étagères molles, mes livres mous, et cette poignée visqueuse qui m’invite à me déraciner. En laissant entrer ou en laissant sortir. Le mou c’est peut-être l’échéance. Ne tarde pas, je vais devenir flasque et alors, rien ne pourra fuir, rien ne pourra surgir. N’attends pas. Je ne vais pas saisir la poignée qui va fusionner avec ma main pour me jeter dans le gouffre derrière, c’est un gouffre, non ? À moins qu’il y ait du bleu et du bleu encore ? Et si la poignée devient moi, je fais comment pour ouvrir ? Je ne peux pas prendre le risque de devenir flaque. Il y a-t-il des choses encore, un peu dures, que je puisse empiler sur ces mous pour gagner un peu de temps ? La poignée molle se baisse dans un bruit rouillé métallique. Une porte s’entrouvre. Je penche la tête pour regarder, tout en reculant.