#anthologie #06 | Mon seul

Seule à la caisse. Seule au jardin à regarder l’arbre sans l’approcher de trop parce que les autres seuls. Seule à la transmission. Seule à tomber. Seule à me relever. Seule devant l’urne. Seule face au fouillis, à l’errance, à la précipitation. Seule à croire. Et puis une chose et la solitude se remue. Une chose comme bonjour, comme un sourire, comme une curiosité, comme une âme similaire et inquiète, similaire et tendue, seule parmi toutes, seule parmi moi, cette seule âme compte. Un frémissement dans les feuilles. Un corps qui se pousse pour laisser passer. Une main laisse une porte ouverte. Un chapeau tombe. Une verrue. Un entre-deux. Une démonstration. Une finitude. Le corps n’est pas liquide. Il bouge, tout bouge. La solitude n’est pas ce corps seul avec ses monstres parmi les autres monstres en corps. Le seul est peut-être ce deuil de la vie à faire dès le début, la raison de tourner en rond inlassablement pendant des dizaines d’années, à savourer l’agencement des couleurs, à tenter d’en faire rimer, à tenter de retarder le tintement d’un glas, ou de faire taire les mensonges, le seul c’est peut-être cette quête du juste, d’une révélation qui fait tenir quelques temps, jusqu’au moment où seule, je dois en trouver une autre à me nourrir, où seule, je cherche folle les autres seuls et leur demande : qu’avez-vous trouvé, qu’avez-vous compris qui me fasse tenir. Avec tous vos enfants, avez-vous vaincu ? Mon seul est à moi, chacun le sien, et va avec ce qu’on laisse, va avec la trace et l’empreinte, va avec la joie, va avec le sable qui roule sous la mer et se mélange au reste, le seul est une paille dans un verre, un bouton manquant sur une chemise, un souvenir qu’on ne trouve plus et qui manque, un vague regret d’avoir été un jour, un peu moins seule que le reste. 

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