#anthologie #05 | Quand on veut

#Anthologie#05 : Quand on veut

Je suis parfaite. Je ne le dis pas parce que ça ne se dit pas, j’ai de la tenue. J’ai programmé la naissance des enfants j’ai pris un mari d’une meilleure classe sociale on a construit le nombre de chambres avant de faire les enfants puis on a fait les enfants pour les mettre dans les chambres. J’ai la pelouse verte et ses fleurs rouges, faite après les enfants car il faut avoir ses enfants jeune. Sur la pelouse on a posé le barbecue mais on essaye de ne pas s’en servir car ça salit. Avec les cendres et les piétinements. Les cendres je n’aime pas. Je ne voudrais jamais voir de cendres. Le dimanche on fait du sport en famille, tout le monde court, père et fils font les triathlons. Nous les femmes, mère et fille, faisons quelques tours de stade puis on sert les boissons. Mon corps sue trop, devant des gens qui me connaissent , ça me gêne. Avoir une odeur que sentiraient les gens qui me connaissent ça me gêne. Ça donne une image de moi qui n’est pas mon vrai moi. Je ne veux pas montrer ça. Ma sueur je n’aime pas.
Je ne comprends pas pourquoi au travail les gens sont agressifs avec moi. Ils n’ont qu’à faire du sport pour passer leurs pulsions. Et pourquoi font-ils des gosses si mal lavés, malpolis, mal éduqués, incultes, parfois tout à la fois. Je m’accroche toujours avec leurs gosses. Je suis toujours au front, mais je suis une battante. Ah ça tombe bien ! J’ai toujours des mails demandant des règlements de compte : des excuses, des notes à hausser, et pourquoi j’ai déchiré une page de cahier… Comment se débrouillent-ils pour si mal s’en sortir ? Faut savoir tirer la bonne carte et organiser sa vie. Savoir ce qu’on veut. « Quand on veut on peut », disait mon père. J’ai malgré tout une très bonne place, je souris toujours même quand les gens ne parlent pas avec moi. Je me sens modèle, même si mon corps est disproportionné, fesses en arrière seins en avant, ça maintient l’équilibre, petit et lourd. Au fond ma plastique je n’aime pas. Cette petite hauteur ne m’empêche cependant pas de gérer des grands gaillards, surtout ceux qui n’ont pas de parents présents. Le problème étant toujours la présence les parents. Les parents je n’aime pas. Je me fais parfois insulter mais ça fait partie du métier. Et puis ça fait des choses à raconter, le soir au foyer. Même si mon mari a sa chaîne de matchs et toujours quelque chose à y regarder. Alors je gère mes enfants, je ne fouille pas dans leur chambre mais les suis de très près : la douche les notes les devoirs le sport. Et chaque jour la douche les notes les devoirs le sport. Sauf le dimanche : sport . Je suis fière de leur taille, être à côté d’eux me grandit devant les gens qui me connaissent. Bientôt mon fils aura une petite amie, je ne doute pas qu’il fera le bon choix. J’ai prévu un portique pour les petits-enfants et j’ai gardé les jouets. Mais j’ai encore vingt ans à travailler. Je me demande parfois comment ça va se passer.

A propos de Valérie Mondamert

J'anime des ateliers d'écriture dans les Alpes de Haute-Provence depuis dix huit ans, (DU d'animateur en atelier d'écriture en 2006, à Marseille), je suis prof de musique et je mêle avec joie les deux fonctions. J'ai publié des récits.

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