#anthologie #04 | Habiter, habité ?

Un soir, monter des marches, les marches d’un grenier, grenier d’une maison, un toit et ses tuiles, 110 mètres carré au sol habitable, un fil à linge au milieu, isoler, monter des rails, poser l’électricité, faire couler une dalle en béton, construire des chiens assis, poser des vélux, s’endormir sur la laine de roche un jour d’été torride, 15 mois de travaux, de transformations, un nid d’amour se construit, deux enfants et 10 ans de vie plus tard, aller ailleurs…

La même chose en maison, tout casser, tout transformer, isoler, construire, vivre dans du provisoire, provisoire qui dure et au fil du temps se transforme en habitation habitée, investie, les enfants ont grandi, le fils n’est pas parti, la fille est revenue avec compagnon et fillette, le temps de construire leur propre nid, maison aux volets rouges, casser, pour reconstruire, la transmission se fait, que faisait déjà le grand père italien ?

Passage Chaptal, une ruelle, des maisons minuscules, maisons d’ouvriers, maison d’enfance, maison des souvenirs, dans laquelle ma grand mère a grandit, elle y a habité avec sa mère et son fils, elle aurait pu l’acheter mais n’a pas voulu donner la moitié à sa soeur, elle a payé un loyer le reste de sa vie…Point de rupture dans la transmission

Un lit canapé dans le salon, au milieu la table de la salle à manger, deux pièces, une cuisine, pas de salle de bain, j’y dormais petite fille la veille du congé des jeudis, une couverture à carreaux noirs, bleues, roses, jaunes, verts, reste la couverture qui est toujours sur mon lit en hiver.

A quatre sous la tente, un cocon douillet

Habiter, être à l’abri, vivre là depuis 22 ans, ton corps habité par des pensées décalées, ton corps qui change au gré du temps qui passe, toi dans ton antre par quoi es-tu habité?

Ma mère de 88 ans et ses soeurs, dames âgées aujourd’hui, quand elles se retrouvent de quoi parlent t’elles ? des maisons de leur enfance, celle occupée pendant la guerre, celle après guerre, celle que j’ai connu moi-même enfant, que je retournerais bien revoir, maison des mines des cités ouvrières toutes vendues, la mine a fermée.

Mon bureau, pièce au milieu de la maison, palier aménagé, les habitants qui montent à l’étage du dessus passent par là, s’assoient parfois sur les marches, petit temps de conversation, sous mes pieds nus, le tapis, un coussin posé avec le chat qui dort, lui aussi habite par là. A ma gauche trois fenêtres étroites et hautes, dehors tout est vert, je vois quelques bambous qui sortent par ci par là, le ciel changeant, à ma droite, casiers de livres, de cahiers, dossiers, au mur derrière moi, des photos, des dessins, des peintures, réalisés par des proches. Pas loin de moi sur un mur, la palette de peintre achetée dans une brocante et tout près, si près que je sens sa chaleur l’hiver, le tuyau en acier du poêle en fonte qui vient d’en bas et continue sa course vers le toit de la maison. Sur la table ronde à l’ancienne, des pots de crayon, des livres, des carnets, une bougie, un caillou offert à l’occasion de la fête des mères, gommes, crayons de papier, stylos à encre, la gourde d’eau, une trousse rouge, travaux en cours, pomme de pin ramassé et puis le carnet de notes, d’écriture où je griffonne les propositions et les brouillons des textes d’atelier, sous la lumière douce quand la nuit tombe, c’est là que j’habite !

A propos de Caroline Burgy

Lire, écrire, faire écrire, trois mots, marqueurs de ma vie, animatrice d'ateliers d'écriture, ils ont jalonné ma vie depuis quelques années, des rencontres avec quelques passeurs m’ont donné l’occasion de soutenir cette place avec les autres. Marguerite Duras écrivait "l'écriture c'est l'inconnu. Avant d'écrire on ne sait pas ce qu'on va écrire..." sans doute suis je portée par cette part d'inconnu à découvrir au fil du temps...

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