Ouverture automatique de la porte. Entrer sans s’arrêter sans ralentir. Passer devant la table-guéridon sur laquelle sont posés du gel désinfectant pour les mains, un cahier de doléances ouvert, un stylo attaché par une petite ficelle. Décider de ne rien écrire et de ne pas se désinfecter les mains. Deux pas jusqu’au comptoir. Un comptoir comme un comptoir de bar. Posés dessus, une boîte de masques chirurgicaux, une plante verte, un grand classeur ouvert, un stylo. Derrière ce comptoir une secrétaire assise sur un fauteuil noir à roulettes. Devant elle l’ordinateur. Bonjour vous allez bien. Parfois juste le fauteuil sur lequel est posé un petit gilet. Inscrire son nom sur le grand classeur à spirales, son prénom, son heure d’arrivée ( jeter un œil sur la pendule fixée au mur), son numéro de téléphone, le nom du résidant. Signer. Se diriger vers l’ascenseur. Parfois en panne. Si panne, avancer jusqu’au bout du couloir pour atteindre l’autre ascenseur. Arrêter le regard sur les cadres accrochés aux murs. Se demander pourquoi la thématique de la Rome antique. Photos du Colisée, d’une sculpture évoquant le David de Michel-Ange, d’un corps greco-romain. S’entendre dire intérieurement antiquités. Plus ou moins incommodée par l’odeur agressive de propre, de désinfectant chimique. Savoir à qui on s’adresse en fonction de la couleur des blouses. Lire les prénoms inscrits sur les poches côté cœur. Bonjour, vous allez bien. Sentiment d’aller mieux que d’autres. Sentiments de jeunesse et de validité. Sécurité pesante. Conscience de pénétrer dans le monde de l’omniprésence des éléments à roulettes, le fauteuil de la secrétaire, le chariot des infirmiers, le chariot de l’homme d’entretien, le chariot des cuisiniers, le chariot de la gouvernante, les fauteuils roulants, les déambulateurs. Dire intérieurement allez roulez jeunesse. Sourire toute seule dans l’ascenseur. Appuyer sur le bouton trois. Lire le menu de la semaine et le bulletin mensuel dont les pages sont scotchées sur une paroi de l’ascenseur. Prononcer les noms des nouveaux arrivés, des derniers partis. Se regarder un coup dans la glace et se poser les mêmes questions.