#anthologie #prologue | Quelque chose

Il y eut, quelque chose, plutôt que rien, une chute, je dirais. Il y avait quelque chose, plutôt que rien, qui frottait, léchait, séchait en même temps. Il y avait quelque chose, plutôt que rien, une chaleur sur tout, autour. Il y avait quelque chose de doux contre, tout contre, plutôt que rien. On retrouvait quelque chose après le rien, ça bougeait, grouillait, dans la chaleur, encore.

C’était le vaste, après l’étroit. C’était immense, vibrant, emplissant de bruits énormes ou de petits couinements. C’était vaste, immense, après l’étroit glissant, après la chute dans le mouillé. C’était, après le moelleux, le mouillé. C’était le frottement, la poussée tout autour. C’était encore le sombre, pas le noir, le sombre sonore, le grisé traversé d’éclairs de bruits énormes. C’était neuf, nouveau, surprise, étonnement C’était un effort pour tirer quelque chose plutôt que rien, en deux ouvertures.

Alors le gris traversé d’éclairs était partout, quelque chose plutôt que rien s’est mis à bouger, à frotter encore, sans mouiller. Alors, ça s’est mis à couiner contre. Alors c’était comme avant la chute, quelque chose plutôt que rien, identique, connu, reconnu par le frottement. Alors, j’ai vu. Alors, tout contre, j’ai reconnu aussi parce que j’ai vu. Alors je l’ai vu, semblable, même chaleur, douceur ; alors j’ai vu l’autre.

Il était devenu, il était être. Il était contre, agité sans violence, comme pour se rapprocher. Il était à la recherche de quelque chose plutôt que rien. Il était le manque, le vaste lui faisait connaître, reconnaître. Il était l’autre comme j’étais son autre, il voyait, se voyait, se reconnaissait.

Maintenant, il y avait autre chose, dans le vaste, quelque chose plutôt que rien entrait, pénétrait, emplissait en causant un manque. Maintenant le manque emportait tout le reste, tirait, poussait, vers quoi ? Maintenant je bougeais. Maintenant je pouvais un peu me rapprocher du quelque chose qui allait combler, se substituer au rien. Maintenant, j’étais arrivé tout près de ce quelque chose. Maintenant je voyais qu’on poussait ma bouche vers quelque chose. Maintenant je tenais en moi ce quelque chose plutôt que rien. Maintenant je tirais, pompais, suçais. Maintenant j’étais empli de quelque chose plutôt que de rien, je retrouvais l’avant la chute, le gris, le sombre, maintenant j’étais, maintenant je suis.

Il y eut de nouveau quelque chose. C’était en moi, c’était un bien-être, c’était le plein après le vide, le quelque chose après le rien, la satiété. C’était pareil pour l’autre que je voyais immobile. C’était le somme, le sommeil. C’était une position, nouvelle, sur le côté, je l’avais adoptée tout seul, roulé, basculé. C’était une main dont je regardais les doigts, l’autre main, couchée sous moi, ne bougeait pas. C’était le volume, l’espace, le vaste qui m’ (qui nous) entourait, au-dessus. C’étaient des coussins, des draps, qui bordaient, bornaient sur les côtés. Au-dessus, c’était un mur blanc qui fermait tout, la lumière allait et venait, dessinait, se formait et se déformait sur cet à-plat comme un écran. C’était de mon côté, une grande source de lumière. C’était quelqu’un plutôt que quiconque qui l’avait déclenchée.

Porté, levé, basculé, lové dans les bras de ce quelqu’un plutôt que quiconque, j’avais retrouvé le vide, le manque. Envahi, pénétré par les trous de mon visage, c’était une odeur, je sentais. Tourné vers quelqu’un plutôt que quiconque, ajusté au mamelon d’où ruisselait le bien-être ; re-posé, recouché dans l’espace bordé de doux linges, j’avais aperçu l’autre que quelqu’un emportait. Etonné, choqué, heurté, ses cris vite apaisés par le téton nourricier.

Quelque chose plutôt que rien s’était imposé, non seulement à mon regard, je voyais, je reconnaissais, mais de plus, c’étaient des souvenirs, qui m’envahissaient par instants, que je rappelais à mon gré. Quelque chose m’occupait au-delà des manques, des besoins, des surprises, emplissait le rien. Une mémoire.

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