#anthologie #24 | refuge du promontoire 20 juin 2024

Notre groupe est arrivé au refuge du promontoire sous une pluie battante. On était dégoulinant en empruntant l’escalier d’accès. J’avais souffert toute la journée du vertige. Cette construction en équilibre sur le vide m’a tout de suite fait frémir. L’assise sur le rocher était si étroite qu’une longue terrasse entoutait la maisonnette, une terrasse métallique ajourée. Guy le guide a dit en souriant « attends demain, le refuge de de l’aigle, c’est autre chose, accès encordé uniquement ». J’étais si fatiguée que je n’ai pas relevé et j’ai décidé de me coucher tout de suite après m’être changée. Solène et Marc ont essayé de me remonter le moral. Depuis le matin, j’étais le boulet du groupe. Une seule chose me rassurait, ils ne pouvaient pas me laisser tomber et Guy était garant de ma sécurité.

J’ai juste pris une soupe et cherché une place sur les châlis du bas. Le dortoir avait qualquechose de carcéral avec ses châlis empilés les uns sur les autres avec leurs échelles et des filets de sécurité. Je n’ai pas réussi à m’endormir malgré la fatigue, je les ai attendus tassée contre le mur dans mon duvet. J’entendais les bruits du repas et je sentais les odeurs. L’extinction des feux n’a pas tardé : 9 h 30 pour tout le monde.

Guy s’est allongé à côté de moi, puis Marc et Solène. Guy est ce qu’on appelle un garçon tactile. En refuge, il m’aurait bien donné le soutien d’un calin pour m’endormir. J’étais trop tendue pour l’accepter. IL s’est tourné de l’autre côté et s’est mis à ronfler.

Les jambes de marc étaient agitées de mouvements réflexes violents qui ne semblaient pas déranger Solène parfaitement immobile la bouche ouverte et presque souriante. Solène est la meilleure de notre groupe, la plus aguerrie, la plus sereine, une vraie amoureuse de la montagne, genre bouquetin, capable de se débrouiller sur n’importe quelle vire étroite.

J’ai dû m’endormir quand même. À 1 h du matin, un grondement sourd m’a réveillée comme si la montagne nous descendait dessus. Je n’osais pas bouger, mais j’ai vu une frontale s’allumer et quelqu’un se lever. Après tout nous ne serions pas le premier refuge à nous trouver bousculés par des blocs descendant de la montagne.

L’année précédente, à la même époque, le refuge du chatteleret avait été évacué par hélicoptère. La moraine entre le promontoire et le chatelleret était descendue emportant l’aire de bivouac et détruisant les conduites d’eau et d’évacuation et les chemins qui longeaient le torrent. Le refuge est fermé depuis. On le dirait enseveli sous les pierres.

C’est alors qu’on a entendu les hélicoptères. En pleine nuit, le vacarme du torrent et des blocs qui dévalent, ajouté au ronflement des pales des hélicos, et au grondement de l’orage, tout le monde s’est réveillé. Tout le monde s’est levé. Impossible de savoir ce qu’il fallait faire. L’odeur de la peur a envahi le refuge.

A propos de Danièle Godard-Livet

Raconteuse d'histoires et faiseuse d'images, j'aime écrire et aider les autres à mettre en mots leurs projets (photographique, généalogique ou scientifique...et que sais-je encore). J'ai publié quelques livres (avec ou sans photo) en vente sur amazon ou sur demande à l'auteur. Je tiens un blog intermittent sur www.lesmotsjustes.org et j'ai même une chaîne YouTube où je poste qq réalisations débutantes. Voir son site les mots justes .

Laisser un commentaire