J’ai été graine. Ou plutôt union de pistil humain projeté dans anfractuosité lunaire humaine. J’ai été gratteron. Adhérent à une paroi dans laquelle me nicher profondément et m’encorder. J’ai été alpiniste sans vertige.
J’ai été fruit. Petite mûre aux cellules se démultipliant ou se spécialisant en toute mon inconscience. J’ai commencé à défiler les pelotes de nerfs. J’ai commencé à palpiter. J’ai commencé à faire corps. J ‘ai esquissé des mouvements, testé l’immobilisme et les retournements. J’ai dégrossi mes formes, précisé mes contours. Ai-je eu mon mot à dire dans ces déterminations ?
J’ai été baigneuse, bercé par les flottements d’un terreau aquatique. J’ai été plus qu’apnéiste, sans branchies pour autant. J’ai respiré par le nombril.
Je me suis mystérieusement sustenté. J’ai filtré, commencé à trier sans éparpiller. J’ai effleuré les contours de la bulle. Me suis étirée, ai pris de la place, poussé le tangible , tout ce qui interagissait et résistait. Pouvais-je imaginer que l’élasticité de sa surface était susceptible d’avoir des limites?
J’ai été muette. J’ai été en dehors de la mémoire, hors vue hors son. Ou alors suis-je amnésique de l’écho amniotique ? J’ai été rêveuse, déjà sûrement.
J’ai été arrachée, jetée dans un autre espace temps. Pour une fois j’ai été en avance. J’ai crié, agrippé, engouffré de l’air, ouvert les yeux sur l’aveuglante lumière ( ai-je aimé l’éblouissement?), absorbé le choc, expérimenté des réflexes archaïques comme la succion.
J’ai découvert l’air sur la peau, la peau sur la peau, le froid et le chaud sur la peau, la douceur. J’ai découvert les battements de paupière, apprivoisé la lumière. J’ai senti des brèches sur ma coquille de crâne, des ouvertures sur les sons du monde extérieur.
J’ai changé de cap, quitté mon for intérieur. Je me suis ouverte au monde, aux autres…
J’aime beaucoup l’idée de la graine pistil.
Merci Aline, un petit écho au « pistil de pissenlit projeté dans mon œil » du « Je sublime « de Benjamin Péret