J’ai été nous ; mammifères blancs ; milliards de cellules ; sexes sur une île ; j’ai été Toussaint ; j’ai été nuit de fête jour des morts, gamètes à Ibiza ; pulsion de gonades ; frictions d’ancêtres ; j’ai été vagues, ébauches divisibles, rassemblées ; j’ai été germe, trois fois rien, éponge floue mollusque incertain plancton friable ; j’ai été bulbe. J’ai été peur, impossible, impensable, avortement ; j’ai été non ; j’ai su serrer, m’enterrer ; j’ai su attendre ; j’ai été oui. J’ai été garçon ; j’ai été fille ; j’ai été trois langues pour dire que j’étais ; j’étais pas, j’étais peu ; j’y étais presque ; j’ai été nommée ; attachée aux siens, aux siens, ligotée aux feuillus ; mes os devenaient mes os, ma peau ma peau, ma mère ma mère. Je me suis retournée, j’ai poussé. J’ai été cet été, ce jour, ce département. J’ai perçu en magma, soleil haleines froid vent aigus graves lait poussières chaud ; j’ai dormi ; je me suis réveillée ; j’ai fermé les yeux ; j’ai rêvé du magma ; j’étais la chose du magma ; j’ai vu mes mains ; j’ai senti que mes mains étaient mes mains ; j’ai goûté mes pieds, j’ai su que mes pieds étaient mes pieds, ses seins ses seins, ma mère ma mère ; je lui ai souri ; j’ai distingué ma voix de la sienne ; ma peau de la sienne ; j’ai vu le vide entre elle et moi ; j’ai rempli le vide
J’aime beaucoup cette enfilade de Je, ce rythme soutenu, cette sensualité, cet être en devenir.
cet amont d’être . « J’ai été » vers… et tous les balancements les bercements les hésitations qui accompagnent. « j’ai su attendre » c’est beau ça. La fusion puis la séparation. « J’ai rempli le vide » a tellement de possibles : comme un vertige . Merci
Beaucoup de peps dans ce texte.
De belles associations : « nuit de fête jour des morts », « frictions d’ancêtres », « soleil haleines froid vent aigus graves lait poussières chaud » et d’autres encore.
Et cette très belle phrase : « j’ai été trois langues pour dire que j’étais ».
Celle-ci aussi : « j’ai vu le vide entre elle et moi ; j’ai rempli le vide ».
.. l’épreuve ou pas du détachement, de la distanciation, de la différence… merci pour ce rappel poétique de notre unicité!