je suis là d’autres diraient ici je suis dehors mais c’est fermé la place les rues qui arrivent une autre place les visages sont toujours les mêmes je regarde je cherche les nouveaux je pense aux heures je sais qui est venu je sais qui viendra je ne pense guère donc je sens je laisse venir à moi celui qui ne vient pas celui qui est différent je regarde je dois tout savoir je n’ai rien à faire je suis tout entier dans la journée je dois dire je dois dire peu je ne dois dire que ce qui compte c’est si peu mais là-dessus la vie se joue entre je suis entre ceux que j’observe ceux qui ont peur de moi ceux qui donnent la direction ceux que l’on ne voit pas ceux qui sont presque ici je vis de règles qui n’ont jamais été dites ni écrites des règles fortes plus fortes que les lois je suis à la merci des règles beaucoup plus que ceux qui suivent les lois je dois aussi suivre les lois mais pas toutes je garde ma place dans la file d’attente je baisse la tête en saluant je laisse passer la dame la vieille dame il m’arrive même de porter son cabas lourd trop pour elle mais les lois importantes je les frôle les règles sont plus fortes la loi peut m’écraser m’enfermer la règle peut tuer en un instant je ne peux pas tuer au nom des règles je peux menacer avec ou sans mot au fil du temps je grossis je prends plus de place je ne bouge pas plus je ne souris pas plus mon rire est plus gras je fais quelque pas je m’avance je me montre je pousse j’infléchis
Un texte comme un labyrinthe dans lequel on se laisse se perdre, retrouve son chemin, se laisse porter par les mots, les phrases… « je ne pense guère donc je sens », « je laisse venir à moi celui qui ne vient pas »… les règles, les lois, menacer… les « ceux », la veille au cabas.
Superbe !
Merci.
* la vieille au cabas