« Écoutez-moi messieurs dames, je vais vous emmenez en voyage gratuitement, eh oui, je vais vous emporter sur mes mots, écoutez-moi… » alors les gens assis sur des chaises inconfortables, écoutaient.
Le corps bedonnant était animé par des tiges en bois insérées à différents endroits de son corps. Sa tête immobile tombait quelquefois sur le côté, alors qu’elle se redressait brusquement, on apercevait le geste d’une main maigre à l’intérieur. Sur cette face blanche seule les lèvres étaient capables de mouvements, on devinait toute une mécanique de fils cousus et de nœuds, pour donner vie à ce gouffre, une langue apparaissait quelquefois, comme un appendice gluant, étrange croisement entre une limace et un mollusque marin sorti de sa coquille. Cette langue animale lançait aux spectateurs quelques crachats invisibles, mais personne ne bougeait, car ces projectiles humides n’étaient que les conséquences des mots dits par cette bouche. À la fin du spectacle, quand le baratin s’achevait, et que la lumière s’éteignait, il fallait quelques secondes pour chacun reviennent dans notre monde, alors tous, sachant que la lumière allait être allumée, ils bondissaient de leur siège, honteux de l’expression écrite sur leur face. La lumière électrique éclairait la salle vide, le corps bedonnant tombait au sol sans bruit puis des rires méchants d’enfant résonnaient dans la nuit.
Très joli texte Laurent entre rêve et spectacle et ces moments où on s’abandonne à l’écoute de la langue animale, merci à toi, bises.