L’auteur ? Une femme. La narratrice. Elle écrit je et ça nous dit assez le caractère autobiographique. Matière à confidence, pas journal mais témoignage de vie. Il faut lire pour connaître l’âge, un embryon de généalogie. Il faut lire pour découvrir l’envers du décor, la piste rouge d’athlétisme, la coureuse, la passion, le désarroi, la douleur et tout ce grain qui donne sa réalité à une œuvre de fiction. Jusqu’à quel point est-ce réel, jusqu’où croire, où cette limite de l’autofiction, cette frontière mouvante où s’enfonce t on d’un côté et de l’autre de sa vérité vivante de cette femme plus narratrice de ce qui a été vécu qu’autrice ? Inventorier n’est pas inventer.
Paquet de feuilles libres, tirages noir et blanc dans une pochette cartonnée bleue, à rabats, fermée par un élastique. Il traînait dans un coin improbable de cette bibliothèque universitaire où j’allais me rafraîchir l’été, avant sa fermeture. J’ouvrais par habitude tous les livres, rayon par rayon, et j’en feuilletais quelques pages, par curiosité. Assez rarement il me prenait l’envie de lire le livre dans l’intégralité. Tombée par hasard au rayon sport entre un énorme livre sur l’histoire de l’athlétisme et un ouvrage de diététique pour les sportifs, j’ai ouvert la pochette. Au début, un gribouillis illisible, au stylo noir. A l’intérieur, des flèches entre les paragraphes comme pour indiquer un changement d’ordre, des pans entiers de texte biffés avec une certaine rage semble t il, ou de la colère, les rayures passant parfois à travers le papier. Il y manque clairement des pages. La numérotation s’arrête à 23 pour reprendre à 27, puis plusieurs manquantes vers la page 40, et à nouveau 52. Plus rien après la 59, et quelques feuillets, non numérotés. On pouvait imaginer un autre volet, un nouveau chapitre dont seules des bribes étaient disponibles. Où était le reste ? Était il seulement écrit ? Ou était ce un document inachevé ?
Si l’on me demande pourquoi et comment le récit de cette narratrice est devenu un livre, il me faudra bien admettre que je l’ignore. Que je pense qu’il s’agit d’un assemblage, de souvenirs, de moments de vie, un puzzle auquel manquait l’essentiel. Vous ne m’en voulez pas d’avoir comblé les trous, davoir fictionné l’histoire d’une personne que je ne connais pas ?
Ce livre aurait été auto-édité, il aurait une couverture souple, un peu trop molle, un peu trop blanche, un squelette sans chair apparente. Il faudrait ouvrir et lire pour en trouver de la chair, fibreuse, endolorie, du muscle et du tendon, de l’énergie et du feu, un peu de cette passion qui finit toujours par s’éteindre, trop tôt. On le trouverait par erreur dans une boîte à livre ou chrz un bouquiniste qui ne saurait plus comment il est arrivé là. Il y serait depuis longtemps, n’intéressait personne, en tout cas moins qu’un livre de développement personnel, d’exercices de yoga faciles pour tous âges ou un bouquin sur les plantes vertes.
« jusqu’où croire »
Merci Perle. Beaucoup aimé.
Merci, Ugo. Je ne repasse par ici que maintenant, prendre le nouvel atelier à l’arrache.
….oui toujours « ouvrir et lire pour en trouver de la chair »… à lire un jour ou pas ce « puzzle »!! Merci à toi
Merci Eve, et prendre un peu plus le temps de venir lire, avant d’être immergée.
« Il faut lire pour découvrir l’envers du décor, la piste rouge d’athlétisme, la coureuse, la passion, le désarroi, la douleur et tout ce grain qui donne sa réalité à une œuvre de fiction. » C’est tellement ça… Merci Perle pour ce texte qui me donne envie de me plonger dans tous les autres… A très bientôt !
Tout pareil, j’ai téléchargé le pdf mais pas encore pris le temps de tout lire. Merci Camille.
» Vous ne m’en voulez pas d’avoir comblé les trous, d’avoir fictionné l’histoire d’une personne que je ne connais pas ? »
magnifique phrase, merci
Merci Raymonde, retour tardif sur cette anthologie d’été et démarrer le nouvel atelier sur les chapeaux de roues !