« Grand Almira » fut mon premier titre. J’avais découvert cet hôtel par hasard et m’y étais attaché lorsque je me suis retrouvé sans papiers et sans argent. Il était devenu mon refuge, mon chez-moi. L’histoire commence avec un événement banal, un vol de portefeuille qui aurait pu se produire aussi bien à Paris qu’en Guadeloupe. Ce vol m’a conduit à passer cinq jours dans cet hôtel, attendant l’ouverture du consulat pour obtenir de nouveaux papiers d’identité parce que c’était la grande fête de l’Aïd. Initialement, je voulais raconter l’histoire de la perte de mon passeport, retrouvé par un migrant, et ainsi relater la vie de ce dernier. Mais, cela aurait nécessité des recherches approfondies et une documentation rigoureuse. J’ai préféré me laisser écrire comme une feuille d’arbre dérive dans un cours d’eau.
La Fête du Sacrifice
« La fête du sacrifice » est mon deuxième titre. Ce récit, qui n’est pas encore un roman et ne le sera peut-être jamais, comporte très peu de personnages. E est l’interlocuteur nécessaire pour que la narratrice partage sa manière de voyager et explique comment elle rapproche l’art de voyager de celui de l’écriture. J’évoque également la mort de mon frère, un événement qui m’a mise sur la piste du sacrifice. Le vol de portefeuille s’est produit le jour de l’Aïd, le 16 juin, qui est aussi le jour de mon anniversaire. L’année prochaine, l’Aïd sera célébré en Turquie du 6 au 9 juin. Il ne tombe donc jamais d’année en année le même jour. Cette coïncidence m’inspire. Dans l’hôtel Grand Almira, la narratrice rencontre une fonctionnaire pakistanaise qui lui offre un repas, symbolisant le partage et le don caractéristiques de cette fête. Avec ce titre, je fais référence à la ligature d’Isaac, Jésus sur la croix, et Tony, mon frère mort à quatre mois, neuf mois avant ma naissance. Ce sont trois figures qui m’évoque le sacrifice. Pourquoi mon frère serait il un sacrifié? L’écriture pourrait peut-être y répondre.
L’Hypothèse Baldwin
La troisième hypothèse, que je n’ai pas encore suffisamment explorée, pourrait s’intituler « L’hypothèse Baldwin ». À l’occasion du centenaire de la naissance de James Baldwin, j’ai découvert qu’il avait vécu à Istanbul pendant une dizaine d’années, grâce à une annonce de la maison Baldwin pour une résidence d’écriture. Durant ces cinq jours d’attente, j’aimerais inviter dans mon récit non seulement Baldwin, mais aussi Pamuk, Kadaré, Forster, et puiser dans l’œuvre de ces écrivains l’art d’écrire et de voyager, créant ainsi une « welcome table » pour le monde. L’hospitalité est aussi un thème que j’aimerais explorer.